Impitoyable - Unforgiven - 1992 - Clint Eastwood

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chip
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Message par chip »

Un de plus. Je n'aime pas UNFORGIVEN et les Westerns d'Eastwood.Desolé.
Carcasse
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Message par Carcasse »

chip a écrit :Un de plus. Je n'aime pas UNFORGIVEN et les Westerns d'Eastwood.Desolé.
Pourtant, Unforgiven n'a rien à voir avec tous les autres westerns d'Eastwood, même s'il en est une sorte de conclusion !

Mais c'est bien : il y aura de la contradiction et, je l'espère, du débat d'idées... cool
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musselshell
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Message par musselshell »

chip a écrit :Un de plus. Je n'aime pas UNFORGIVEN et les Westerns d'Eastwood.Desolé.
Un film pourtant tres différent de tous ses autres westerns: tout ce qui peut paraitre un peu "tic" (the-man-with-no-name) ds les autres est absent ici (encore que: Josey Wales, superbe de clacissisme assumé/revigoré... n'a déjà plus rien à voir avec High Plains Drifter... par exemple).
Non seulement Unforgiven "récapitule" la thématique eastwoodienne, mais il fait de même avec tout le genre, en inscrivant à nouveau celui-ci ds sa capacité à interroger le présent, les mythes qui le fondent, qui fourvoient tout un chacun...C'est le dernier western à s'être élevé à ce niveau...et sans perdre pour autant en puissance poétique! Pas rien, non?
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mortimer
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Message par mortimer »

Carcasse a écrit : Pourtant, Unforgiven n'a rien à voir avec tous les autres westerns d'Eastwood, même s'il en est une sorte de conclusion !

Mais c'est bien : il y aura de la contradiction et, je l'espère, du débat d'idées... cool
Unforgiven est différent certes des autres eastwood mais il marqué par un même théme. En effet pour la troisiéme fois (après High Plains Drifter puis Pale rider) eastwood reprend le théme du "revenant" (traité cette fois de façon plus classique : munny n'a rien d'un fantôme, il lutte surtout contre ses démons intérieurs.) Je laisse de côté les plans identiques (en boucle dans Unforgiven qui se répéte : tombe au début et tombe à la fin, tout comme dans High Plains Drifter mais avec une construction moins circulaire la tombe n'apparaît qu'à la fin car elle est la réponse au personnage énigmatique qu'il incarne) bon j'arrête sinon Sartana va dire que j'ai déjà trop parlé :lol:

-sinon carcasse attention à ne pas reprendre cette idée fausse qui circule sur internet : Unforgiven n'est pas le film testament d'Eastwood, ni une sorte d'ultime conclusion ! et sais-tu pourquoi ?

:arrow: le scénario du film fut écrit quinze avant d'être réalisé par Eastwood (du reste c'est Francis Ford Coppola qui voulait faire le film à l'époque). Bref difficile donc de croire que Unforgiven soit la synthése d'Eastwood puisqu'il est antérieur à Pale rider ! cool

je suis content d'avoir tordu le cou à cette idée fausse qui revient si souvent et qui fausse la lecture du film. Il semble qu'elle à pris naissance au lendemain de la pluie d'oscars tombés sur Eastwood (dont lui-même fût le premier étonné).

Vous trouverez des renseignements de tout ceci dans les conversations avec Martin Scorcese et pour les sources en français Gabriele Lucci dans son bref ouvrage (mais bien illustré :D ) sur le western paru chez Hazan en page 157 :wink:
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musselshell
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Message par musselshell »

Mortimer a écrit
le scénario du film fut écrit quinze avant d'être réalisé par Eastwood (du reste c'est Francis Ford Coppola qui voulait faire le film à l'époque). Bref difficile donc de croire que Unforgiven soit la synthése d'Eastwood puisqu'il est antérieur à Pale rider !

je suis content d'avoir tordu le cou à cette idée fausse qui revient si souvent et qui fausse la lecture du film. Il semble qu'elle à pris naissance au lendemain de la pluie d'oscars tombés sur Eastwood (dont lui-même fût le premier étonné).
Un scénario, on peut lui faire dire des tas de choses. Qu'un script ait existé depuis 15 ans ne change rien à ce qu'en fait Eastwood en 1992...La synthèse, si synthèse il y a (et ça se défend, mais on verra que cette notion n'est pas exactement la bonne...), se loge évidemment dans le traitement, pas ds le script stricto sensu...
Pardon Sartana :oops:
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Longway
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Message par Longway »

le scénario du film fut écrit quinze avant d'être réalisé par Eastwood (du reste c'est Francis Ford Coppola qui voulait faire le film à l'époque). Bref difficile donc de croire que Unforgiven soit la synthése d'Eastwood puisqu'il est antérieur à Pale rider !
En quinze ans il se passe beaucoup de choses, ce western aurait sans doute été différent dans son traitement si sa réalisation avait vu le jour dans la deuxième partie des seventies.
Coppola aurait il fait le même film ? On ne le saura jamais.
" Apocalypse now " date de 1979, cela peut toujours nous donner une idée si ce réalisateur à cette époque avait été derrière la caméra pour " Impitoyable "
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mortimer
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Message par mortimer »

musselshell a écrit :Mortimer a écrit
le scénario du film fut écrit quinze avant d'être réalisé par Eastwood (du reste c'est Francis Ford Coppola qui voulait faire le film à l'époque). Bref difficile donc de croire que Unforgiven soit la synthése d'Eastwood puisqu'il est antérieur à Pale rider !

je suis content d'avoir tordu le cou à cette idée fausse qui revient si souvent et qui fausse la lecture du film. Il semble qu'elle à pris naissance au lendemain de la pluie d'oscars tombés sur Eastwood (dont lui-même fût le premier étonné).
Un scénario, on peut lui faire dire des tas de choses. Qu'un script ait existé depuis 15 ans ne change rien à ce qu'en fait Eastwood en 1992...La synthèse, si synthèse il y a (et ça se défend, mais on verra que cette notion n'est pas exactement la bonne...), se loge évidemment dans le traitement, pas ds le script stricto sensu...
Pardon Sartana :oops:
ma foi défendez la synthése si vous voulez mais l'auteur lui même s'en défend ! j'ai cité l'anecdote de la date (mais il y en a d'autres) pour vous montrer à quel point impitoyable est un film qui à mis du temps à voir le jour. Alors certes on peut faire dire à un scénario des tas de choses mais en revanche un auteur lui on ne peut pas lui faire dire n'importe quoi. Trouvez moi une seule interview d'eastwood expliquant que ce film est une synthése de ses autres films et alors je dirai : soit ! Mais le problème c'est que vous n'en trouverez pas parce que eastwood considére unforgiven comme un film comme un autre dans sa carrière de réalisateur :wink:

personnellement j'ai toujours pensé que les oscars donné pour ce film étaient surtout là pour récompenser (tardivement :? ) eastwood pour l'ensemble de sa carrière, plus que pour récompenser ce film lui-même. J'ai peut-être tort et je me réjouis de lire vos analyses pour voir ce que vous trouverez de si novateur dans ce film.

:beer1:
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Impitoyable - Unforgiven - 1992 - Clint Eastwood

Message par Personne »

avec:

Clint Eastwood ... William 'Bill' Munny
Gene Hackman ... Little Bill Daggett
Morgan Freeman ... Ned Logan
Richard Harris ... English Bob
Jaimz Woolvett ... The Schofield Kid
Saul Rubinek ... W.W. Beauchamp
Frances Fisher ... Strawberry Alice
Anna Levine ... Delilah Fitzgerald (as Anna Thomson)
David Mucci ... Quick Mike
Rob Campbell ... Davey Bunting
Anthony James ... Skinny Dubois
Tara Frederick ... Little Sue (as Tara Dawn Frederick)
Beverley Elliott ... Silky
Liisa Repo-Martell ... Faith
Josie Smith ... Crow Creek Kate

Kansas 1880. William Munny, redoutable hors-la-loi reconverti dans l'élevage va, à la demande d'un jeune tueur, reprendre du service pour venger une prostituée défigurée par un cow-boy sadique.

Attention, les SPOILER sont Autorisés, donc ne lisez pas ce topic avant d'avoir vu le film.

Que le débat continu! :mrgreen:

Vous pouvez également poster vos documents ici:
http://westernmovies.free.fr/Forums/vie ... php?t=4897
Modifié en dernier par Personne le 28 juin 2007 12:35, modifié 1 fois.
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musselshell
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Message par musselshell »

En 1992, Clint Eastwood revient au western, après sept ans d’abstinence. Le script nouveau y est pour beaucoup, même s’il a alors une quinzaine d’années : The William Munny Killings, intitulé de l'original de David Webb Peoples. Cette histoire croise Clint Eastwood à la fin des années 70 pour le remettre en selle en 1992 : l’histoire croise alors l’Histoire, et le réalisateur se décide en partie là-dessus…
C’est lui qui le dit :
Q : Unforgiven semble vouloir souligner le coût, les conséquences de la violence…
R : J’ai ma part de carnages dans le western, mais ce qui me plait dans Unforgiven, c’est que chaque mort violente a une répercussion. La violence déchire ses auteurs, et je me suis rendu compte que notre monde baignait là dedans, qu’il fallait aborder ça…. C’est devenu tout à fait prégnant l’année dernière avec les évenements à LA…Un incident déclenche un processus décisionnel, pas forcément le bon, qui lui-même génère des réactions, pas forcément les bonnes…et il n’y a plus moyen d’arrêter les choses… (LA Times, 02/08/92)


Ce qui « échappe » au contrôle et déclenche la violence ( soi, la rumeur, l’assurance que confère la légitimité, officielle ou auto-proclamée, la sous-estimation ou la surestimation de l’évènement, on en passe…mais on y reviendra), thème du film s’il en est (avec d’autres, comme l’invalidation systématique de la confiance illusoire des protagonistes en leur capacité à avoir prise sur l’évènement, l’indécidabilité fondamentale…qui détruit et refonde le mythe dans un cercle sans fin…), est décrypté, aussi âprement que somptueusement, en 1992, par un cinéaste qui prend aussi le pouls de son temps…Ce n’est pas(seulement) ça qui fait du film un chef d’œuvre (son propos est intemporel), mais il fallait que ce fut dit… Il dédie l’opus à Don (Siegel) et Sergio (Leone). Il fait tout cela dans le même mouvement…Assume un héritage donc, et parle au présent…Plus encore que les films les plus emblématiques de la « déconstruction » du mythe westernien – de Little Big Man à la Horde Sauvage, en passant par tous ceux qui viennent à l’esprit, y compris TMWSLV ( la fabrication élucidée du mythe, qui ne l’empêche pas de perdurer…), sans même compter les Italiens qui ne firent surtout que s’y essayer…Unforgiven s’approche au plus près d’un film dont l’action se situerait bien dans l’ouest Américain en 1880, au plus près du mystère du genre, dont il est à mon avis l’un des plus grands fleurons…et à ce jour le dernier.
Je rentrerai dans les arcanes argumentatives (et contre-argumentatives) plus tard…Ben oui, là, j’assène mes vérités (partagées, quand même…)…en guise de prolégomènes :num1 .
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mortimer
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Message par mortimer »

musselshell a écrit :
Ce n’est pas(seulement) ça qui fait du film un chef d’œuvre (son propos est intemporel), mais il fallait que ce fut dit… Il dédie l’opus à Don (Siegel) et Sergio (Leone).
oui et détail amusant pour High Plains Drifter il s'est fait prendre en photo au milieu de deux tombes sur l'une était écrit sergio leone et sur l'autre don Siegel :wink:

Assume-t-il l'héritage de ces "maîtres" cette fois dans Unforgiven ? oui probablement alors qu'auparavant il avait plutôt voulu marquer une certaine rupture (jeune cinéaste il cherchait sans doute à s'affirmer). Dans Unforgiven il est davantage tourné vers son propre passé. Pour Eastwood ce début des années 90 est un vrai tournant dans sa carrière, sur le tournage d'unforgiven il se passionne déjà pour le script de In the Line of Fire le prochain film dans lequel il jouera un agent secret. Une scène le fascine celle où il apparaît jeune (magie des trucages) et qui vient d'ailleurs d’un film de Siegel (dirty Harry) plus loin il dira dans le même film "nous étions tous jeunes alors". Il ne fait aucun doute que clint eastwood au moment d'unforgiven songe à son passé, comme Munny songe au sien. Mais le premier aimerait bien refaire l'expérience tandis que le second n'y tient pas vraiment, ce sont les circonstances qui le mèneront à basculer de nouveau dans l'engrenage de la violence. Film testament ou synthèse ? certains parlent même d’éléments autobiographique par certains points. Tout cela est bien incertain, eastwood comme il aime à se définir lui-même est un homme qui à fait sa "carrière avec des armes à feu et qui les déteste" ambiguïté est le maître mot chez lui.

Heureusement que le sujet dure deux mois car je sens que musselshell va être intenable :lol: :wink:

:beer1:

Bon sinon le mot de la fin (grande régle il ne faut jamais laisser la parole en dernier à musselshell :oops: :lol: )

ce sera la citation du jour :

"moi vous savez les prolégomènes ou les preliminaires, tout ça c'est du temps perdu"

woody Allen :mrgreen:
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musselshell
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Message par musselshell »

J'ai trouvé un bon texte que je me permets (de moi à moi) de poster ici...
Carcasse a écrit
William Munny (Clint Eastwood) est un "ancien" tueur dépravé, sans arrêt sous l'emprise de l'alcool, qui finit par rencontrer la lumière au travers d'une pieuse jeune fille de bonne famille. Il se marie, arrête de boire et se construit une petite vie rangée façon la petite maison dans la prairie. Lorsque sa femme meurt de maladie, il se retrouve seul avec ses deux enfants...

Et c'est là que le film commence et, si l'histoire en est simple, les personnages sont complexes :
Dans une petite ville éloignée, une prostituée a été défigurée par un cowboy et son copain (copain qui n'a rien fait d'ailleurs et qui a même essayé d'arrêter le massacre, mais il paiera quand même car l'histoire ne cherche pas à nous vendre de la justice).
Le shérif, Little Bill (Gene Hackman), un homme violent venu de villes "chaudes" résoud les choses par un arrangement financier en faveur... du patron du bordel ! Avides de vengeance, les prostituées vont alors offrir une prime pour la tête des deux hommes. Bien sûr, le shérif comprend que cette situation va attirer foule de tireurs alléchés...

On retrouve notre "héros". C'est un homme qui lutte pour élever ses enfants. Il lutte contre mère nature, la maladie des porcs et les revers de fortune que cela entraîne. Et surtout, il se bat contre lui-même, pour obéir à sa défunte épouse.
Pour lui, elle est toujours là ; elle est tout près, elle le surveille. Elle est sa mère et son seul Dieu, son unique croyance. Dit-elle que c'est mal ? C'est mal : il n'y a pas de questions à se poser seulement à s'en convaincre !
Il suffit de remarquer, lorsqu'il invoque "le Seigneur" ou "sa mauvaise conduite" avec ses enfants, comme cela semble récité comme s'il craignait d'être réprimandé. Elle est sa raison, mais aussi son prétexte : peut-être, quand il pense avec ses mots à elle, n'a-t-il pas besoin de s'interroger sur lui-même.
Il se défie du William Munny qui pourrait réapparaître. Elle est son garde-fou, alors il parle à la défunte, il l'invoque sans cesse : ainsi, quand la prostituée lui fera offre de services, il lui répondra que cela déplairait à sa femme !

C'est un homme qui n'a conscience de ce qu'il était jadis qu'à travers les yeux de sa femme et elle lui a dit que c'était mal... mais il n'en a pas de souvenirs ("... la plupart du temps, j'étais saoul !") et le peu qui en reste, il l'a probablement censuré.

Contraint par la ruine future de sa famille, cet homme va pourtant accepter le contrat des prostituées par l'entremise du Kid, petit jeune qui veut devenir un tueur célèbre.
Ce n'est pas William Munny qui accepte, mais Will, l'homme qu'il s'est fabriqué (il ne sait même plus tirer, mais, ce nouvel homme-là, a-t-il su un jour ?).
Il va ainsi devoir se trouver plein de fausses raisons pour se convaincre lui-même, sa femme/Dieu (surtout !) ainsi que Ned, son ancien partenaire, qu'il est le "bras armé" de la justice : Il suffit d'écouter l'amplification de l'acte des cowboys (déjà malmené par le Kid, façon rumeur !) dans le récit de l'agression qu'il fait à Ned (Morgan Freeman).

Ned est l'homme qui sait et qui n'en parle pas. Non seulement il a conscience du passé, mais il l'accepte, il s'en souvient, mais il ne veut pas remettre le couvert. Cela lui donnera son côté "sage" ; il a des souvenirs et donc de l'expérience. Et, quand il décidera quand même d'accompagner son copain Will, ce sera par amitié ; parce qu'il pensera qu'il ne saurait s'en sortir seul.

Le Kid, quant à lui, reprend un des rôles les plus classiques du western : celui du petit jeune, plein d'ambition, qui débute et se cherche un professeur. En général, le jeune réussit de quelque manière, ou se fait tuer héroîquement (voire bètement) ou il abandonne tout parce qu'il a rencontré une fille... Mais, big problème, il n'y a pas de maître dans ce film. Passée l'excitation du premier contrat, il vieillira très vite et prenant conscience de la réalité d'une vie qu'il a cru choisir, abandonnera tout, dégouté ("... Je ne suis pas comme vous !"...). Encore un mythe auquel on tord le cou...

Pendant ce temps, le shérif a fait interdir les armes à feu dans la ville. English Bob (Richard Harris), un tueur prétentieux nouvellement arrivé met en valeur l'attitude de Little Bill vis-à-vis des contrevenants. La présence du "journaleux" qui écrit de "belles histoires revisitées" sur le Far-West, autorisera le réalisateur à nous donner, par l'entremise du shérif, une véritable leçon sur la différence entre mythe et réalité : entre l'histoire et la légende (ça me rappelle quelque chose, non ?).
Quelques phrases extraites du cours magistral donné par Little Bill :
"... ëtre un bon tireur et être rapide avec un pistolet, c'est pas quelque chose de mal, mais ce qu'il vaut mieux, c'est savoir garder la tête froide..."
"... un homme qui ne perd pas la tête et qui ne s'affole pas sous les coups de feu, soyez sûrs qu'il vous tuera..."
"... c'est pour ça qu'il existe si peu d'hommes dangereux comme English Bob... et comme moi..."
"... c'est pas si facile de tirer sur un homme, surtout lorsque l'autre vous répond en tirant..."

Quand Little Bill rencontrera Will et qu'il lui donnera une sévère correction, manquant de le tuer, parce qu'il est armé, la seule défense du "malheureux" sera : "... mais, je n'ai rien bu !"... : porter une arme n'est pas dangereux, si on a pas l'intention de se servir. Tant qu'il ne boit pas, il n'enfreint pas la Loi de sa femme...

La scène de l'exécution du premier cowboy est difficilement soutenable, non par sa violence physique, mais par son intensité émotionnelle. Tout d'abord, la victime est l'innocent, le second cowboy : celui qui avait tout essayé pour racheter la faute de son copain. Ainsi, dégageait-il un gros cœfficient de sympathie l
De plus, ils ne vont pas le tuer sans coup férir : il va souffrir et se sentir mourir : la scène est volontairement longue et pénible.

C'en est trop pour Ned : il s'en va ; Will et le Kid vont exécuter seuls le contrat. Le deuxième homme (le seul vrai coupable) est un gros porc content de lui et franchement antipathique : c'est le Kid qui le tuera dans les toilettes.

Bien entendu, Ned qui n'a aucunement participé aux meurtres, sera capturé et tué par Little Bill. Le Kid, qui a descendu son premier homme, pètera les plombs ("savoir que ce type ne respirera plus jamais... juste parce qu'on appuie sur une détente..." à quoi Will répondra " Tuer un homme c'est quelque chose : on lui retire tout ce qu'il a et tout ce qu'il aurait pu avoir".). D'ailleurs, c'est la première phrase de Will qui, bien qu'elle ne soit pas de sa femme, évoque une certaine conscience personnelle, pas loin des regrets. Elle sonne curieusement dans la bouche de l'ancien tueur. On pourrait facilement l'attribuer à Clint Eastwood, acteur-réalisateur, qui a descendu, sans le moindre remord, tant de personnages tout au long de ses films.

C'était obligatoire. il fallait, apprendre la mort de Ned, pour que Will se mette à boire et laisse revenir de l'endroit où il l'avait enfoui, Le William Munny du Missouri, ce tueur froid et impitoyable, afin qu'il descende en ville et liquide tout le monde dans une scène d'anthologie. (Munny entrant dans le saloon seul face à tout le monde ; cette froideur quand il conseille aux autres de s"écarter... ("...Vous êtes le pire des lâches... il n'était pas armé... ; Eh bien, il aurait dû être armé s'il voulait décorer sa vitrine avec mon copain...")
Et cette bagarre où il justifie les propos de Little Bill ("le plus calme tue les autres") : d'ailleurs, c'est Bill qui tire le premier... mais, surpris par le fusil lancé, il se presse trop et rate la cible !

Il épargne le journaleux ("... je ne t'ai pas tiré dessus...") ce qui permettra à Clint Eastwood de régler encore quelques comptes avec lui-même (...Qui vous avez tué d'abord ?...) : dans Josey Wales, la réponse faisait preuve d'une véritable analyse de la situation même si celle-ci était traitée avec quelqu'humour. Ici elle montre un instinct animal ("... j'ai eu de la chance pour l'ordre, mais j'ai toujours beaucoup de chance quand il faut tuer des gens...").

On est loin des tireurs ultra-rapides et sans état d'âmes de ses personnages précédents, aussi bien dans le western "Leonien" que dans les westerns qu'il avait réalisés lui-même par la suite !

Et Munny va repartir, non sans menacer d'un éventuel retour si (...), Il redeviendra Will et retournera vers ses enfants tel un bon petit père de famille.

Et le film se termine comme il a commencé : la même image, la même musique lancinante et nostalgique, la même dernière phrase comme si cet épisode n'était qu'une parenthèse. Pas de manichéisme dans ce film ; il n'y a pas de bons, pas de méchants, pas de morale, pas justice, pas de mérite, il n'y a que des personnages nuancés aux volontés, aux ambitions, aux envies différentes. Le réalisateur provoque une mise en rencontre de destins.

C'est un film monacal bien que la photo soit sublime. Quant aux acteurs, des premiers aux derniers rôles, ils sont tous excellents. La mise en scène est très sobre et les dialogues sont rares, mais lumineux. En dehors de l'intro et de la fin, il y a peu (ou quasiment pas ?) de musique. Ce sont les personnages et leurs motivations qui font la véritable épaisseur de ce film.

Ainsi, Will, même au début, n'est pas un agneau ; il se retient. Quand il jure, il fait acte de contrition, mais il jure quand même. Il lutte contre lui-même, mais on sent toujours William Munny percer derrière ; il est là, il est solidement tenu, c'est tout. D'ailleurs, si j'emploie les termes Will et William Munny, c'est pour des raisons pratiques de communication car, en fait, il n'y a pas deux personnages atteints de schyzophrènie galopante, il n'y en a qu'un ; c'est, à l'instar de pile et face, les deux côtés d'une même pièce.
Will est Munny. Il se brime, préférant l'oubli ; pour empêcher son côté Munny de prendre la main, il invoque sa femme, en répètant, en serinant, surtout pour lui-même, des phrases façon "méthode Coué". Ce n'est pas l'alcool qui fait Munny, il est Munny à part entière : L'alcool joue simplement le rôle de catalyseur et de désinhibateur (de prétexte, peut-être ?) qui peut faire que Will oublie, soudainement, ses principes élaborés depuis des années et, enfonçant d'un coup les verrous mis en place par sa femme et par lui-même, lâchant ainsi la bride à son côté tueur impitoyable.

Vous l'avez compris, je suis un fan. Je ne demande à personne d'aimer ce film, mais j'espère vous avoir fait penser que c'est une œuvre qui mérite plusieurs projections avant de se décider.


Voilà... :wink:

Si l'auteur pense qu'il n'a rien à faire ici, pas de problème, j'édite...mais ce serait dommage...
A partir de ça, tout est prêt pour décortiquer l'infra-texte...C'est même déjà commencé... :applaudis_6:
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Message par Carcasse »

Je suis assez d'accord avec l'auteur de ce ce texte... cool
Or, être en accord avec soi-même, n'est-ce pas le début de la plénitude ? :mrgreen:
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musselshell
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Message par musselshell »

Bon alors on attaque, il y a là une bonne base de boulot!
Pas de bons ni de méchants ds ce film, juste des gens pensant devoir faire pour le mieux ce qu'ils ont à faire. Des défauts, pour sûr qu'ils en ont...des qualités (ou à tout le moins un côté autorisant la compassion) aussi...
:arrow: Munny est un tueur né, juste momentanément "ligoté" par sa defunte...Et c'est au nom de la défunte qu'il se risque à renouer avec son terrible passé (de la défunte et des mômes, ça va ensemble...) Le whisky, avant cela la mort de Ned ("mis une pancarte sur Ned?!") relancent l'Eastwood exterminateur...
Le brave type est là aussi, quand il explique à la prostituée défigurée que c'est elle qu'il choisirait, pas les deux autres...
Quand Ned lui dit "alors tu fais ça avec la main?"...: "ça ne me manque pas beaucoup"...
Quand il rassure le Kid: "je ne vais pas te tuer, tu es le seul ami que j'ai"
:arrow: Little Bill est une brute presque fascisante, un horrible machiste, une véritable machine...obsédée par l'imposition du calme, du bon voisinage...mais par ailleurs "t'as pas vu assez de sang aujourd'hui?"...ça c'est pour la prostituée en chef vengeresse.
Et puis, il construit une maison, piètre et presque sympathique charpentier (..."je construisais une maison" une de ces dernières paroles sous le canon de Munny, avant cette phrase clé ..."j'ai pas mérité çà"...)
:arrow: Ned est comme ce qu'en dit Carcasse: il ne basculera pas, sachant ne pas rejeter le passé pour n'y point retomber...mais enfin, il est là sur la piste...et c'est pas seulement son lit qui lui manque...
:arrow: English Bob, tueur de Chinois pour le chemin de fer, cocu saoul dégommant à bout portant l'auteur trop bien pourvu de son infortune...mais si sympathique dans le train, si "british", si proche de certains archétypes britanniques propulsés héros de l'Ouest...Encore un truc que le père Clint fait voler en éclats...

L'écrivaillon s'y interesse tellement, à ces trois là, qu'il saura bien, passionnément autant qu'obséquieusement, passer de l'un à l'autre...en mouillant néammoins ses pantalons entre le premier et le deuxième...plus tard persuadé d'être mort à cause du dernier... :wink:
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Sartana
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Message par Sartana »

Oh là ! Pas question de briser votre élan, mais pourquoi ne pas laisser le temps à chacun de revoir le film, car personnellement je ne peux pas le voir avant 4 ou 5 jours, alors quand je reviendrais au rythme où vous allez, vous n'aurez déjà plus rien à dire...

Une mise en pause du débat serait-elle possible ?

On (re)voit, on décante, et on discute... 4-5 jours de pause ça vous dit ? :beer1:
"Il suffit de franchir les limites de la violence individuelle qui est criminelle,
pour atteindre la violence de masse qui... qui fait l'histoire..." Brad Fletcher dans Le dernier face à face
Personne a écrit :Sartana, tu as un coeur de pierre!
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Localisation : Lone Pine, CA

Message par Personne »

Sartana a écrit :Oh là ! Pas question de briser votre élan, mais pourquoi ne pas laisser le temps à chacun de revoir le film, car personnellement je ne peux pas le voir avant 4 ou 5 jours, alors quand je reviendrais au rythme où vous allez, vous n'aurez déjà plus rien à dire...
On arrête pas comme ça une locomotive lancée à toute vapeur! :mrgreen:
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