Si ici, cette arme ne sert à fixer le portrait d'Abraham Lincoln que pour en faire une cible murale...

Là, au contraire, ce couteau ne sert qu'à ôter toute idée de retirer de la cloison ce portait de Lee... Ce jeune homme qui s'apprêtait à l'arracher en prend bien conscience d'ailleurs...

Les armes sont maniées par des prisonniers, des confédérés bien entendu.
Petite taquinerie sur le film (je ne peux pas m'empêcher).
La belle Elena fait irruption dans la pièce de cette maison en bois.
En bois je dis bien... Car juste avant qu'elle ne fasse irruption on entend, alors que la porte est fermée forcément, un sonore "toc toc".
Elle est polie me direz-vous !
Certes, mais avec les gants qu'elle porte, je ne vois pas bien comment elle a réussi à toctoquer aussi joliment...

J’ai regardé un peu sur le net les scénarios produits par Frank Nugent. En voici quelques-uns dans le genre qui nous intéresse ici :
Avec John Ford :
- 1948 : Le Massacre de Fort Apache (Fort Apache) de John Ford
- 1948 : Le Fils du désert (Three Godfathers) de John Ford
- 1949 : La Charge héroïque (She Wore A Yellow Ribbon) de John Ford
- 1950 : Le Convoi des braves (Wagon Master) de John Ford
- 1952 : L'Homme tranquille (The Quiet Man) de John Ford
- 1955 : Permission jusqu'à l'aube (Mister Roberts) de John Ford
- 1956 : La Prisonnière du désert (The Searchers) de John Ford
- 1957 : Quand se lève la lune (The Rising of the Moon) de John Ford
- 1958 : La Dernière Fanfare (The Last Hurrah) de John Ford
- 1961 : Les Deux Cavaliers (Two Rode Together) de John Ford
- 1963 : La Taverne de l'Irlandais (Donovan's Reef) de John Ford
Avec d’autres réalisateurs :
- 1953 : Un si doux visage (Angel Face) d'Otto Preminger
- 1955 : Les Implacables (The Tall men) de Raoul Walsh
- 1958 : Le Salaire de la violence (Gunman's Walk) de Phil Karlson
- 1954 : They Rode West de Phil Karlson
- 1966 : Sans foi ni loi (Incident at Phantom Hill) d'Earl Bellamy
Et bien sûr :
- 1950 : Deux drapeaux à l’ouest (Two Flags West) de Robert Wise
Cette introduction pour signifier qu’il s’agit d’un scénariste de renom et tout particulièrement en matière de western. L’histoire qu’il nous raconte ici, basée sur un fait historique est tout à fait intéressante. Intéressante de par son côté historique donc (personnellement je ne le connaissais pas) mais aussi par le mode de scénarisation et le choix des personnages.
Comme le dit si simplement P. Brion dans les bonus « tous les personnages ont des problèmes » !
Ce n’est pas faux reconnaissons-le.
Cela confère donc un côté dramatique à l’ensemble ce qui est certainement dans le but d’accentuer le cas de conscience de ces soldats sudistes qui acceptent d’endosser la Tunique Bleue. C’est adroit d’ailleurs car au-delà de créer un climat cela évite de présenter l’épisode sous un côté manichéen de soldats prisonniers qui seraient les seuls à se renier. Car des reniements (voire des auto-reniements) il y en a plus d’un dans cette histoire.
Là où je pondèrerai un peu mon enthousiasme c’est sur le choix de Robert Wise d'opter pour une mise en scène qui donne un côté trop lisse au jeu des acteurs.
Ils me sont apparus comme trop mesurés, contrôlés même, de fait cela casse un peu l’intention de dramaturgie que je viens d’évoquer. Non que je me sois ennuyé car il s’agit d’un très bon western, mais ce résultat manque un peu d’ampleur me semble-t-il.
Robert Wise qui a d’abord été monteur (pour Orson Welles dans Citizen Kane et La Splendeur des Amberson ) possède une belle filmographie également à la réalisation même si toutefois le western n’est pas son genre favori. A en croire sa filmographie, les décors fantastiques ou urbains semblaient le séduire davantage que les terres arides du Far West. Pour autant ici, la manière de filmer a de la patine : les plans sont léchés, le noir et blanc magnifique et somptueusement éclairé, nul doute que le travail du Directeur de la photo (Leon Shamroy, qui lui aussi a une filmographie longue comme le Bay Bridge) s’exprime ici brillamment. Il nous est proposé des plans de toute beauté, et je crois que cela procure un attrait qui rehausse efficacement ce côté un peu trop retenu.

Alors quand même, il faut souligner la belle réalisation des batailles qui sont aussi spectaculaires que foisonnantes.
La percée des « rebelles » de la ligne indienne lorsqu’ils reviennent défendre le fort mais aussi l’attaque du fort elle-même sont deux moments superbes et très richement réalisés. Les cascades s’y comptent à gogo, le nombre d’intervenants est impressionnant… du beau et du captivant en somme.
Toujours en illustration de ce magnifique noir et blanc, deux plans d'extérieurs.
- Un joli contraste qui donne finalement de la couleur là où il n'y en a pas :

- Et ce plan d'ensemble somptueux qui montre quand même l'investissement accompli pour rendre ce film esthétique :

Puis deux intérieurs, toujours avec ces beaux contrastes, mais cette fois, la caméra est à l'intérieur du fort.
- De nuit. Luminosité minimale de ce nuage qui semble de fait attirer inéluctablement et maléfiquement le commandant Kenninston (Jeff Chandler) :

- Et celui-ci enfin, superbe mariage des formes et de l'éclairage, les pointes acérées de la porte semblent défendre le fort contre les nuages :

Comme tout ceci est bien fait quand même...
Yo.