Réalisé par un jeune réalisateur et monteur canadien, Nathan Frankowski, écrit par deux femmes, Esther Luttrell et Jeannie Barbour, Te Ata offre à Q’orianka Quilcher un de ses rôles les plus intéressants, voire même le plus intéressant. Certes, elle fut Pocahontas en 2005 dans Le Nouveau Monde, mais les véritables héros – et acteurs principaux – étaient Colin Farrell et Christian Bale, et je ne suis pas certain que le film aurait passé le test de Bechdel avec les honneurs, étant donné qu’elle était à peu près l’unique personnage féminin doté d’un nom et d’une pensée, quoi qu’elle fut un peu traitée comme un objet. Elle a ensuite enchaîné de nombreux rôles, mais n’étant parfois crédité que comme étant la « beautiful native », on imagine qu’elle devait rêver d’un premier rôle qui raconte une histoire exemplaire à plus d’un titre dans notre société actuelle.
Viennent derrière elle au générique Gil Birmingham, qui joue son père, et Graham Greene, son oncle. Birmingham est d’origine comanche et a interprété des Indiens dans un grand nombre de productions contemporaines et historiques (Comancheria, récemment, et Into the West produit par Steven Spielberg). Quant à Greene, faut-il encore présenter le Kicking Bird de Danse avec les Loups qui ajoute depuis, en stakhanoviste assumé, pas loin d’une dizaine de titres à sa filmographie chaque année.
Enfin, pour compléter la distribution, Mackenzie Astin, que je ne connaissais pas (il a beaucoup tourné pour la télévision, Homeland et The Magicians entre autres) et Brigid Brannagh (aucun lien de parenté, ne cherchez pas) qui est aussi une habituée de la télévision. Notons que Mackenzie Astin a repris du service devant la caméra de Nathan Frankowski dans un western, cette fois, The Chickasaw Rancher, actuellement en postproduction, qui raconte l’histoire d’un éleveur chickasaw, Montford T. Johnson, qui dut combattre tout le monde, Blancs et Indiens, pour installer son ranch sur le long de la Chisholm Trail dans les années 1860. Encore un bon moment en perspective, dans un registre différent.

Je ne vais pas faire une critique du film que peu auront vu, je dirai simplement que c’est un bon film, bien écrit, bien joué, bien réalisé, qui défend son propos dans être didactique ou véhément, et qui n’est pas sans évoquer le Grey Owl de Richard Attenborough avec Pierce Brosnan dans le rôle d’Archie Belaney. Un autre film passé assez inaperçu en 1999 et que je recommande vivement sans en dire plus pour ceux que ne connaîtrait rien de l’histoire de ce personnage étonnant.
Je ne parlerai pas davantage du film, je préfère présenter Mary Frances Thompson, née en 1895 en Territoire Indien (futur État de l’Oklahoma), membre de la nation chickasaw, qui devint actrice et conteuse et défendit de la culture indienne (ou amérindienne ou native américaine ou autochtone, chacun peut remplacer indien par le terme politiquement correct qui lui convient, le respect ne tient pas à mes yeux dans un nom).

Après des études primaires à Tishomingo, puis à la Bloomfield Academy, Mary entre à l’université pour femmes d'Oklahoma. Son professeur de théâtre, Frances Dinsmore Davis, repère son talent naturel pour la scène et l’y fait monter. Elle l’encourage, plutôt que de jouer des classiques, à puiser dans les chansons et les histoires de différentes tribus indiennes. Le coup d’essai est un coup de maître et elle se produit bientôt non seulement à l’université, mais dans d’autres institutions également.

Son diplôme obtenu, elle intègre le spectacle itinérant Chatauqua, dirigé par Thurlow Lieurance, qui l’a repérée sur la scène universitaire. Pour cette carrière naissante, il lui faut un nom, ce sera Te Ata (prononcer Tay Ah-Tah), dont l’origine reste incertaine, mais qui signifierait « Porteuse du matin ». Il la portera en tout cas jusqu’au Carnegie Institute de Pittsburgh où elle achève sa formation théâtrale, puis à New York, où après des débuts difficiles à Broadway – impossible aux yeux des directeurs de casting d’alors d’employer une Indienne – elle connaîtra enfin un succès mérité, s’illustrant tout particulièrement dans le rôle d’Andromaque dans Les Troyennes. Mais c’est finalement sur ses performances de conteuse et de porte-parole de la culture indienne qu’elle décide de se concentrer.

Elle joue pour les jeunes dans des camps d’été à New York et en Nouvelle-Angleterre, puis dans tout le pays. Invitée à se produire chez lui par l’épouse du gouverneur de New York, une certaine Eleanor Roosevelt, elle laisse une telle impression que quelques années plus tard, elle jouera à la Maison-Blanche pour le premier dîner d’état du président nouvellement élu Franklin Roosevelt, puis à Hyde Park pour le roi George VI et la reine Elizabeth en visite officielle, ce qui lui vaut d’être invitée à se produire en Angleterre, et bientôt, dans toute l’Europe. Puis au Mexique et en Amérique Latine, durant une carrière qui durera plus de 60 ans, en lui vaudra les plus grands honneurs. Le lac Te Ata à New York porte son nom. Elle a été intronisée à l’Oklahoma Hall Of Fame en 1957, puis nommée trésor officiel de l'Oklahoma en 1987.

Par l’intermédiaire de son mari, le Dr. George Clyde Fisher , Te Ata a rencontré les plus grands noms de son époque, comme Albert Einstein, Henry Ford, John Burroughs ou Thomas Edison. Elle a fait l'objet d'un documentaire, God's Drum, dont les recettes ont soutenu le Fonds de bourses d'études Te Ata pour les étudiants indiens de son alma mater, l'Université des sciences et des arts de l'Oklahoma à Chickasha, Oklahoma.
Te Ata est décédée le 26 octobre 1995 à Oklahoma City, mais la force de son héritage et de son influence sur la perpétuation de la tradition orale amérindienne demeure encore à ce jour et les nouvelles générations qu’elle a inspirées ont repris son flambeau.
