Messagepar HART » 19 avr. 2019 18:42
Le Western est un spectacle. Bien sûr.
Le plus souvent , il fait rêver.
Derrière le rêve, l'horreur se tapit-elle ?
Oui, semble nous dire Ivan Kavanaugh , le réalisateur de " Never Grow Old " .
Il n'est pas le premier : Ralph Nelson , Michael Cimino , Tommy Lee Jones , entre autres , ont dépeint la cruelle réalité de l'Ouest au dix-neuvième siècle : génocide , meurtres de masse planifiés par les puissants , mères rendues folles par la mort de leurs enfants ...
Dès 1929 , Victor Sjöstrom montrait la détresse des femmes déplacées dans les étendues désertiques et désolées .
Etait-ce donc utile de faire aujourd'hui un western aussi noir , aussi désespéré que " Never Grow Old ?
Non , pas utile , indispensable.
Le Spectacle peut être aussi éloigné de la Réalité que le Mensonge l'est de la Vérité.
Le Western n'y fait pas exception , au contraire.On le sait bien.
Mais , on veut l'oublier , et profiter des paysages somptueux , des personnages " bigger than life " ( justement ) et de situations excitantes.
" Never Grow Old " , c'est la piqûre de rappel : " C'était pas ça , les gars ! " .
Kavanaugh en décrivant le microcosme de la petite ville de Garlow en Californie du nord dans les années 1850 fait une démonstration éblouissante : la sordide réalité d'hier se reflète dans l'époque contemporaine.
Patrick Tate , le charpentier de la petite ville y fait également office de croquemort, lui et sa famille y vivotent difficilement. Etant l'un des derniers arrivés dans la ville , il doit s'y intégrer , et pour cela , se plier aux règles intransigeantes et intolérantes de la congrégation dominante , incarnée par un pasteur-prédicateur hautain et déterminé.
L'arrivée d'individus menés par un chef impitoyable et calculateur va changer la donne . En s'appuyant sur l'intimidation , la ruse , la loi ( !!!) et au besoin la force , le trio d'étrangers renverse les valeurs à son profit , en détruisant au passage les fondements déjà contestables de la cité.
On passe du Purgatoire à l'Enfer : un jeune père de famille est exécuté dans la boue sous les yeux de sa femme et de ses enfants , une jeune fille est pendue pour ne pas avoir suivi les règles édictées par les nouveaux maitres ,...
La mort devient omniprésente.
Seul le charpentier/croquemort tire profit de la situation , la fréquence de la mortalité l'enrichit et le chef des intrus , irlandais comme lui , l'a pris sous son aile.
Mais ce dernier lui laisse entrevoir que seul un dévouement absolu lui permettra de garder son statut ...et sa vie.
Le charpentier sait qu'il n'a aucune chance dans un affrontement armé , il ne lui reste qu'à courber l'échine ou partir.
Ou encore faire face au trio de tueurs et mourir , condamnant par là même sa famille.
Il n'y a pas de happy end. seule la toute dernière séquence , d'une infinie tristesse apporte tout de même une lueur d'espoir.
le ton du film est lugubre , l'image sombre , les personnages ( à l'exception de la femme du charpentier ) sont cruels ou veules , et l'oeuvre est magnifique.
On montre ici que les marches du pouvoir sont la force , le mépris , et l'habileté à se servir des règles sociales.
C'est brillant et dévastateur.
Le film est tourné en Irlande avec des capitaux irlandais , mais les deux acteurs principaux , Emile Hirsch ( le charpentier ) et John Cusack ( le chef des tueurs ) sont bien américains. Et irréprochables ici.
On peut voir le film légalement sur les sites de Video à la demande , avant une sortie prévue en France fin Juillet.
Il y a plus de 40 ans , j'étais sorti de la projection de " Soldat Bleu " dégoûté pour longtemps du western classique.
Jusqu'à l'année dernière , je refusais de revoir la trilogie de Ford sur la cavalerie. J'avais tort , bien sûr.
Merci limpy , pour m'avoir persuadé de revoir " She Wore A yellow Ribbon ".
Avec " Never Grow Old " , c'est différent , j'ai fait la part des choses et j'aime toujours Roy Rogers.
C'est que , moi , j'ai pu devenir vieux.