
Suite à certaines critiques élogieuses lues précédemment sur ce sujet, et quoique n'étant guère porté sur les westerns contemporains, j'ai acheté le DVD de ce Blackthorn samedi matin, et je viens à l'instant d'en terminer le visionnage.
Et si j'ai eu quelques réserves en insérant la petite galette argentée dans la platine, celles-ci viennent de fondre comme neige au soleil: en effet, bien que tournée essentiellement en Bolivie et présentant des personnages majoritairement hispanophones, cette co-production franco-anglo-espagnole me semble plus digne d'un vrai western américain que les récents et sanglants délires tarantinesques (Django Unchained, Les Huit Salopards) ou encore le hiératique et déprimant Gold allemand sorti en 2013, vu il y quelques mois sur Arte.
Non seulement nous retrouvons dans Blackthorn une figure légendaire du Far-West en la personne d'un Butch Cassidy sur le retour, mais la beauté des paysages de montagnes et de certaines scènes renvoient incontestablement au decorum enchanteur de moult " vrais " westerns -américains, veux-je dire.
Quel plaisir ce fut de revoir le regretté Sam Shepard -récemment disparu- , dont j'avais beaucoup aimé la prestation dans l'excellente mini-série Lonesome Dove, Le Crépuscule - Streets of Laredo (1995).
Comme dans cette dernière, mais avec une bonne quinzaine d'années de plus au compteur, Shepard campe un bandit rangé des flingues et blanchi sous le harnais, qui n'aspire qu'à mener une fin de vie plus tranquille que les dangereuses péripéties de sa tumultueuse jeunesse au côté du Sundance Kid.
Mais comme il est de coutume avec ce genre de personnage, voilà qu'un beau jour le passé le rattrape, l'obligeant à sortir de sa réserve pour reprendre les armes...
Si l'action se déroule en 1927 -soit peu ou prou à la même époque que Le Trésor de la Sierra Madre (1948) de John Huston-, très peu d'éléments dans le film nous renvoient à une époque " moderne ", hormis peut-être la banque et ses luminaires électriques et un tacot à marche-pied traversant une rue boueuse; durant tout le reste du film, nous avons l'impression de nous trouver dans des décors évoquant les pueblos mexicains traditionnels, récurrents dans nombre de westerns.
En outre, le film de Mateo Gil bénéficie d'une très belle photographie et de superbes profondeurs de champ, en dépit de couleurs naturellement froides et souvent désaturées, comme c'est la mode -et la norme- depuis bien trop longtemps.
Au niveau de la réalisation, Mateo Gil nous gratifie de séquences plus westerniennes que nature, dont la plus saisissante est sans conteste cette chevauchée dans un désert de sel s'étendant à perte de vue.
La fusillade qui s'ensuit entre Blackthorn/Butch Cassidy et le posse lancé à ses trousses, si elle est somme toute assez brève, ne manque pas d'intensité, notamment lorsque les balles fauchent le cheval mort derrière lequel s'abrite notre pistolero vieillissant.
Et puisqu'il est question d'un héros vieillissant, voilà l'occasion pour moi de pousser un petit coup de gueule à l'encontre des -rares- westerns qui sortent actuellement: je ne nie pas le courage de certains producteurs et réalisateurs, fussent-ils américains ou européens, qui de temps à autre se piquent de ranimer un genre hélas démodé aux yeux du public de masse, gavé aux jeux vidéos ou aux prouesses numériques des super-héros.
Mais depuis le doublé Pale Rider/Impitoyable de Clint Eastwood en 1985 et 1992, chaque fois que sort un western
" moderne " -j'entends par là réalisé de nos jours- , c'est quasi-systématiquement sous l'angle du " crépusculaire ",
avec des anti-héros cyniques et désabusés, revenus de tout, qui n'ont plus une once d'espoir et d'idéalisme, dans des réalisations qui ne peuvent s'empêcher de lorgner vers Sam Peckinpah (violence et hémoglobine à gogo) ou de pasticher le " spaghetti " à la sauce Sergio Leone (personnages sales et amoraux, très gros plans, scènes interminables et cadrages
se voulant esthétisants) ...
Par bien des aspects, Blackthorn, malgré ses indéniables qualités, ne déroge pas à la règle et s'aligne sagement dans le rang des " sur-westerns ", voire des " méta-westerns ", ces westerns qui, avec une sorte de condescendance tacite vis-à- vis de leurs glorieux aïeux technicolorisés, se voudraient plus adultes et plus matures que tous les autres.
Une mode qui, selon moi, a atteint son paroxysme avec le très beau Danse avec les loups (1992) de Kevin Costner, auréolé de sa flopée d'Oscars: ce plaidoyer pro-Indiens, peut-être le plus célèbre western depuis presque trente ans, n'échappait pas lui non plus à cette tendance de l'auto-flagellation, du révisionnisme et de la destruction des mythes fondateurs du genre

Je ne dis pas que cette approche est inintéressante, mais je suis certain que si les cinéastes actuels le désiraient vraiment, ils pourraient se défaire de ces influences qu'ils croient obligatoires, pour revenir à de vrais westerns traditionnels, avec des personnages nobles, courageux et vertueux, qui ne s'embarrassent pas de tourments ou autres dilemmes psychologiques de bazar, comme au bon temps des John Wayne, Errol Flynn, Tyrone Power, Randolph Scott, Joël McCrea...
Après tout, ne dit-on pas communément que l'espoir fait vivre?
Wait and see...
