Messagepar Carcasse » 29 avr. 2006 11:05
Désolé, je n'ai pas beaucoup de temps en ce moment. Alors, juste un p'tit truc vite fait...
La première chose à remarquer est que ce film est un long flashback. On est en droit de ce demander pourquoi ; une simple question de structure narrative ?
Non, car au contraire du Sergent noir, ce flashback se fait sans interruption.
C'est tout simplement un lien entre deux époques. Tom Doniphon est le personnage central de cette ancienne époque. C'est un homme fort, influent, sans peur et qui est le seul à pouvoir combattre Liberty Valance avec ses propres armes.
Arrive Ransom Stoddad. C'est un "intellectuel", au départ moqué par tous, mais dont la vision de l'avenir est différente et qui souhaite mener un combat légal.
C'est un homme qui croit en l'évolution de la société, à la Loi, mais pas aux armes. Bien sûr, il va s'entraîner à les utiliser, mais au contraire d'un "El Paso, ville sans loi", il y sera ridicule. Et cela sert uniquement le fait qu'il puisse se résigner à affronter Liberty Valance quand il sort de ses gonds et qu'il pense pense que tout est fichu.
Doniphon voit grandir Stoddad. Il entrevoit les possibilités d'évolution de la société, mais il est assez intelligent pour savoir qu'il ne pourra pas suivre. Ça ne lui fait pas plaisir, il résistera bien un peu, le ridiculisera (c'est un adversaire) mais il donnera le "coup de pouce" nécessaire, parce qu'il a compris, au fond de lui, que Stoddad à raison : l'avenir c'est Ransom, le passé, c'est Tom. Il en fait le constat.
Le meurtre de Liberty Valance (car c'en est un) représente le tournant de l'histoire. Tom le sait avant d'agir : il perdra tout. C'est pourquoi, il se saoûle et brûle sa maison... C'est le véritable héros ; il agit même contre ses propres intérêts...
Pour Ransom, tuer Liberty est un échec ; il veut tout abandonner.
C'est un Tom magnifique qui relancera la machine (un flashback, à l'intérieur du flashback ; une "mise en loupe" pour donner une autre vision, un autre point de vue de la situation). Tom est magnifique, parce qu'il a tout perdu, y compris sa dulcinée, volontairement et en pleine conscience. Il n'est pas un "looser", car, même s'il est perdant et que ça le touche, il a su se dépasser.
Il est à noter que Stoddad n'a pas "piqué" la fiancée de Tom ; ce dernier lui laissera sans combattre (encore un oubli de soi-même). Encore une fois Tom pensera à l'avenir : il se sacrifiera pour son ex-promise comme il s'est sacrifié pour la civilisation.
Ransom est un homme qui n'a pas besoin d'évoluer ; qui n'a pas d'efforts "intellectuels" à faire : il est à sa place dans l'évolution. C'est un personnage qui, simplement, s'adapte : droit et rigide au départ qui finira par devenir un vrai politicien paternaliste (voir son attitude avec les journalistes ou le geste, un peu puant, où il glisse de l'argent dans la main de Poppy)...
Il n'aurait pas supporté de tuer quelqu'un pour arriver à ses fins : il supportera qu'on pense qu'il l'a fait, parce que Tom l'a déculpabilisé (encore un sacrifice), en déterminant cet avenir désormais possible. Il se sent dédouané et peut se battre sur son terrain : Tom lui a donné une mission...
Ransom est un égoîste ; il ne partagera pas (Tom n'en aurait pas voulu). Mais il portera, peu à peu, sa réputation comme on porte sa croix. Sa confession auprès des journalistes devrait être expiatoire, mais elle lui est refusée. Les journalistes n'en veulent pas... Légende et réalité sont d'importance dans ce constat, mais la phrase finale du film est encore plus importante ("On ne peut rien refuser à l'homme qui a tué Liberty Valance"). Elle montre que, toute sa vie, il portera cette croix et que ses idées sont bâties sur un mensonge. La société, à un moment donné, n'aurait pu progresser sans des hommes comme Tom Doniphon.
Cuacuacocomekiki ? (Averell Dalton)