Billy le Kid (Billy the Kid, 1930) de King Vidor
MGM
Sortie USA : 18 octobre 1930
Des pionniers et leurs troupeaux de bétail arrivent à Lincoln County (New Mexico) où ils souhaitent s’établir. La ville est dirigée par l’impitoyable colonel Donovan, un homme qui s’est attribué non moins que les rôles de shérif, juge, notaire et banquier. Il profite des dettes que pourraient avoir les fermiers pour les expulser, voler leur terres, n’oubliant pas une fois qu’ils ont le dos tourné de les liquider afin qu’ils n’aillent pas divulguer à tous vents ses méthodes peu orthodoxes ! Il souhaitede même dissuader les nouveaux arrivants de rester mais l’impétueux Billy le Kid vient prendre leur défense. Pour le remercier, Tunston décide de l’embaucher mais ce dernier succombe peu après dans un guet-apens. Billy le Kid qui s’était pris d’amitié pour son patron décide de le venger en éliminant tous les participants à ce meurtre…

Avant d’apparaitre sur les écrans de cinéma sous les traits de Robert Taylor, Audie Murphy, Paul Newman ou Kris Kristofferson, William Bonney, plus connu sous le nom de Billy The Kid, fut personnifié par Johnny Mack Brown dans l’un des premiers westerns importants du parlant. Les années 30 et l’arrivée de la parole virent de nouveaux cow-boys caracoler sur les écrans, pour la plupart des ‘cow-boys d’opérettes’ dont raffolèrent les foules. Héros de petites bandes assez courtes ou de serials, cavaliers sans peur et sans reproches, ils défendaient vaillamment et à tour de bras la veuve et l’orphelin. A côté de ces westerns de pur divertissement, il y avait néanmoins de la place pour des films plus sérieux comme les ambitionnaient de prestigieux cinéastes comme King Vidor qui pensaient que le son allait apporter un plus au genre et qu’il fallait continuer à réaliser des œuvres d’art dans la lignée des films de D.W. Griffith ou William S. Hart. «
Les films de l’Ouest s’accomodaient d’intrigues faibles tant leur action était intense. Depuis l’avènement du film parlant, le dialogue doit creuser l’intrigue en profondeur…Ainsi la tendance actuelle dans la réalisation des films qui représentent les aventures des prairies porte aux caractères et aux situations historiques » disait-il en 1930.
Il tentera de mettre son discours à l’œuvre avec ce "
Billy The Kid". Et pourtant c’est avant tout à cause du dialogue que son film ne s’avère qu’une semi-réussite. En effet, certainement paralysé par la lourdeur du nouveau matériel de tournage, les séquences dialoguées s’avèrent d’une grande staticité ; et ce n’est pas tout puisque les dialogues eux-mêmes se révèlent d’une grande médiocrité, les scénaristes ayant voulu insuffler un trop plein d’humour qui vient très souvent désamorcer la dureté de la description d’un Ouest (Nouveau Mexique) où règnent insécurité, violence et corruption à tous les niveaux. Après d’aussi flagrantes réussites que "
La Foule" ("
The Crowd") ou "
Hallelujah", le premier western parlant de King Vidor ne pourra donc que décevoir. On ne retrouve pas non plus la virtuosité ni le lyrisme habituels du cinéaste, le jeu de Johnny Mack Brown a bien vieilli (King Vidor regrettait qu’on lui ait imposé cet acteur alors qu’il aurait souhaité avoir James Cagney) et Wallace Beery dans la peau de Pat Garrett, quoiqu’excellent, ne possède qu’un rôle assez secondaire.

Sinon, le spectacle reste de bon niveau avant tout grâce à de bonnes séquences d’action mouvementées ainsi qu’une description assez réaliste (pour l’époque) et crue de la violence mais grâce aussi à des plans et images impressionnantes avec par exemple ces falaises vertigineuses sous lesquelles évoluent Tunston et ses hommes juste avant l’attentat qui coutera la vie au ‘patron’, la grotte où se terre Billy le Kid après le fameux siège de la maison McSween, les plans initiaux sur l’arrivée des pionniers au dessus de la vallée où se niche Lincoln County… Selon Jean-Louis Ryeupeyrout, historien du genre, aucun autre film ne restitua le personnage et son destin aussi fidèlement ; on ne mettra pas ses dires en doute mais il faut probablement relativiser en disant comme Patrick Brion que le film est plutôt «
un mélange d’authenticité et de surprises peu crédibles ». A savoir néanmoins que le Happy end de convention qui voit Pat Garrett laisser partir Billy n’existait pas dans la version européenne qui se terminait comme il se doit par la mort du jeune tueur.
Pour l'anecdote, ce premier grand western parlant de la MGM avait été tourné , comme "
The Big Trail" à la Fox, à la fois en format standard et en format large (ici le système ‘Realife Grandeur’) mais la copie dans ce dernier format a désormais disparu. «
Je cherchais à réaliser un western et je m’intéressais au personnage de Billy The Kid attiré par ce mélange de douceur et de colère destructrice » disait encore Vidor. On constate donc que très tôt le cinéma hollywoodien a cherché à transformer les grands bandits de l’histoire américaine en héros romantiques, justifiant leurs méfaits et crimes au regard des circonstances historiques et sociales de l’époque. Le film de King Vidor est d’ailleurs ‘préfacé’ par le gouverneur de New Mexico de l’époque qui louait le sens de la justice du Kid !!