Messagepar gilson » 04 nov. 2011 17:30
Vu « Ulzana’s Raid » un peu par hasard, récemment, et je crois bien ne l’avoir jamais vu auparavant. Comme ça a été un vrai choc, je me permets d’en dire quelques mots, longtemps après la bataille.
Non que les horreurs de la guerre soient une surprise : pas très loin de nous, lors d’un conflit assez récent, tant qu’à mourir, il valait infiniment mieux exploser avec une bombe qu’être pris par ceux d’en face ; et les atrocités de ce film sont un amusement à côté de ce qui se fait dans ces occasions-là. Ce n’est pas vraiment cela qui me semble le plus important pour le film, mais plutôt deux choses :1) le constat de la fin du combattant chevalier, 2) la création d’un film sans interface, sans personnages intermédiaires.
1) « Ulzana’s Raid » nous parle de deux blocs, l’un actif, l’autre réactif. Leurs seuls points communs, c’est leur rapport à la parole et leur détermination. « J’ai besoin de ton cheval », dit simplement Mac Intosh au guide, après la mort du sien, lequel guide accepte cela comme une évidence : pas d’explication, de gêne. Les rôles sont écrits, joués sans arrière-pensées. Cela me rappelle un historien qui parle, dans l’élaboration de l’Histoire, de luttes de rôles bien plus que de lutte de classes. Les personnages sont des forces, pas des sensibilités ni des trajectoires personnelles. Et des forces presque aveugles et fatales, des énergies (« Ulzana veut te voler ta force. Plus ton ennemi meurt lentement, plus tu lui prends de force. »). Les conversations, passionnantes comme toujours, sur le sujet, parlent d’autres conflits, à très juste titre. On peut étendre la métaphore jusqu’au terrorisme moderne et sa confusion entre ennemis militaire et civil : dans le film, peu importe le statut des victimes. Et, puisqu’on cause métaphore, c’est la double figure du match de base-ball du presque début, sitôt après l’évasion du groupe d’Ulzana, qui nous demande de faire le report : a) jeu pour rire, puis jeu pour de bon, b) les Blancs vivaient tranquilles, sûrs d’eux, repus, et patatras ! Je parlais de chevalerie : Don Quichotte est amoureux des mots, il le serait des films aujourd’hui ; il « combat » en cherchant à retrouver un sens. Ulzana sait qu’il n’y en a pas dans son raid, que c’est un baroud, que c’est l’acte d’une créature emprisonnée qui veut retrouver d’anciennes excitations, d’anciennes odeurs, d’anciennes ivresses. Mais il le fait quand même. La paix enchaîne, heureusement; la guerre est un déchaînement.
2) Sur l’interface entre les blocs, on dira : mais il y a le guide et le jeune militaire. Il me semble que le guide est sans états d’âme du côté blanc (dans « Géronimo » de W HILL, un des personnages dit : « les Apaches choisissent toujours le camp du vainqueur probable d’un combat.», et d’ailleurs, dans ce film, le nombre de scouts apaches est impressionnant), et ALDRICH joue très habilement du flou que sa proximité double (Apache et … beau-frère, c’est presque un titre de film) crée chez le spectateur. Qu’il tue Ulzana comme le suppose la coutume, on peut le comprendre, et on peut aussi le lire comme une façon de rééquilibrer, de nouveau, le jeu de forces : le respect aux morts est exigé par le jeune officier pour les ennemis eux-mêmes. Justement, le jeune officier : il cause, il cause ; plus exactement, il pose et se pose des questions, dans la tonalité de l’humanisme chrétien, alors que les autres sont dans leurs lancées totalement étrangères à ces interrogations. Les deux mondes se côtoient, imperméables l’un à l’autre. Et d’un côté comme de l’autre, ça passe ou ça casse, peu important les valeurs et aussi les conventions filmiques, peu important qui meurt. D’ailleurs, je me demande, quand même : sans interface, vraiment ? Et si une des originalités du film était d’avoir raconté –on a souligné dans les échanges le côté documentaire du film- une histoire avec des personnages qui sont de vrais faux personnages intermédiaires ?
"Words have too many shadows." (Little Dog, dans "La Plume Blanche"). Et j'ajoute: "Na!"