Année 1917
En 1917, 96 westerns courts et 80 longs-métrages ont été recensés :
John Ford (1895 - 1973)

Le hasard a voulu qu'un jour le jeune John Ford découvre son frère ainé Francis Ford
sur l'écran d'une salle de cinéma de Portland, c'est peut-être l’élément déclencheur
du début de son histoire avec le cinéma.
Entre les frères on ne peut parler de partenariat mais plutôt de rapport de maitre
à élève. Et quel maitre! En effet John est très impressionné par l'hyper créativité et
l'hyperactivité de Francis qui, de l'aveu même de John, "faisait tout à la perfection".
Son influence perdurera de longues années, sinon toute sa vie.
On peut dire que le cinéma muet était en mutation permanente, John en parallèle
faisait de même, abandonnant les noms qu'il portait (John Feeney, Sean O'Feeney,
Jack Ford)*. C'est une période de chamboulement, de progression créative et artistique
qui s'étale entre ses 19 ans et ses 33 ans année de son premier film parlant.
Si, son apprentissage John l'a effectué avec les modestes moyens de l'époque du muet,
il a par la suite incontestablement bénéficié des nouveaux moyens techniques de l'après
cinéma sonore et deviendra le "héraut" du western et selon Ingmar Bergman "Le plus
grand réalisateur du Monde".
*Ce n'est pas sans rappeler que dans certaines tribus indiennes il était
d'usage d'adopter différents noms dans une vie.
Francis et John Feeney
le maitre et l'élève :

Sean O'Feeney, allait sur ses 19 ans lorsqu'en compagnie de sa mère, il a vu sur l'écran d'un cinéma
de Portland, son frère ainé Francis Ford jouant dans un western. Francis, après de longues années
d'absence revient, l'été 1914, à la maison familiale, au volant d'une Stutz Bearcat, vêtu de cachemire
et accompagné de la star du muet, Grace Cunard.
Dès lors tout va très vite pour Sean. En juillet de la même année Francis le vit débarquer par le train
et l'engagea pour les derniers épisodes de la série à succès Lucile Love : The Girl of Mystery. "Ford se
souvient d'avoir été accessoiriste. Il y joua probablement des petits rôles dans différents épisodes, fit
quelques cascades (il doubla souvent son frère) et travailla comme assistant à tout faire sur le plateau".(1)
Dès son arrivée en Californie, on peut dire que Francis s'est bien occupé de son jeune frère : "Il l'a fait
sauter en tirant avec un canon sur un local bourré de dynamite où Jack était assis; il l'a fait sauter
d'une vingtaine de mètres de hauteur d'un train de marchandises roulant sur un pont à chevalets; il l'a
fait sauter d'une voiture roulant à vive allure; il l'a fait courir sur un champ de bataille confédéré, tout
en évitant les obus, une grenade devait exploser sur sa tête (pour une prise de vue rapprochée) au final
elle éclata sous son menton. "C'était à un poil près", lui dira Francis à l'hôpital. "Une seconde de plus le
public aurait crut que j'avais un double".
Jack, lui en a voulu longtemps. Vingt ans plus tard durant le tournage de Judge Priest, "Francis jouait
un ivrogne se reposant dans une brouette, on avait reliée celle-ci d'une corde à une voiture qui démarra, Francis
alla s'écraser au bas de la rue, avalant sa chique à la première secousse". "C'était pour la grenade",
grogna Jack.
Pendant trois ans Jack a assisté de près au travail de son frère Francis, lequel était engagé par Universal
comme acteur, scénariste et réalisateur. Il ne pouvait pas avoir de meilleur professeur pour apprendre
toutes les ficelles du métier. En plus d'être cascadeur, assistant réalisateur, accessoiriste, homme à tout
faire, il a joué dans au moins douze films d'une ou deux bobines de Francis, tous perdus aujourd'hui.
En cette année 1917 et comme se fut le cas pour Griffith et Ince, Jack Ford débuta dans la réalisation
grâce à l'absence d'un réalisateur. Il fut choisi par Carl Laemmle parce que "il braille vraiment très fort" et
il tourna avec la troupe de Francis, Tornado, son premier film et son premier western, "Il n'y avait que
des cascades, rien que des cascades"(1). Puis, c'est The Trail of Hate, sa deuxième réalisation, dont un
critique a dit qu'il était "passionnant... grouillant de vie, de couleur et d'action". A la sortie de son
troisième film The Scrapper, un journaliste du The Universal Weekly écrit, avec une clairvoyance qu'il
ne pouvait imaginer : "Pendant longtemps, les gens entendant le nom de Ford, à propos d'un film, disaient :
Ford ? Quel rapport avec Francis ? Très bientôt, à moins que tous les pronostics actuels n' échouent, les gens
diront : Ford ? Quel rapport avec Jack ?"
Francis disait aussi que le premier film de Jack "était pas mal, sauf son jeu". Par contre il trouvait que
son quatrième film Pour son gosse, "était un petit bijou".
Voir aussi sur le forum (il n'y a pas de biographie de John Ford) : http://forum.westernmovies.fr/viewtopic ... 05#p109576
Source : Senses of Cinema.
(1) Peter Bogdanovich : John Ford.
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Pour son gosse (The Soul Herder)
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"La communauté d'une petite ville déclare Harry indésirable et l'expulse. Harry traverse un désert
où il rencontre un pasteur et sa famille. Le pasteur est tué au cours d'une attaque d'Indiens. Harry
prend la petite fille sous sa protection avant d'enfiler les vêtements du défunt et de convertir ceux
qui l'avaient banni.
Pour son gosse est le premier des vingt-six films tournés avec Harry Carey. Ford le considère comme
sa premier véritable mise en scéne. Hoot Gibson y fait également sa première apparition dans un
film de Ford". Peter Bogdanovitch : John Ford.
Film considéré perdu.
Fiche technique :
Réalisateur : Jack Ford
Scénario : George Hively
Image : Ben Reynolds
Production : Universal Pictures Corporation
Durée : 30 minutes - (3 bobines)
Lieu de tournage : Universal Studios - 100 Universal City Plaza, Universal City, Californie
Jack Ford et Ben Reynolds :
.


Distribution : Harry Carey [Cheyenne Harry], Molly Malone, Hoot Gibson, Jean Hersholt [the priest],
Elizabeth James [daughter], Duke R. Lee, Vester Pegg, Fritzi Ridgeway, William Steele
Harry Carey, Molly Malone et Hoot Gibson :



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Le Ranch Diavolo (Straight Shooting)
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Fiche technique :
Réalisateur : Jack Ford
Scénario : George Hively
Image : George Scott
Production : Universal Pictures Corporation
Durée : 57 minutes - 1500 mètres (5 bobines)
Lieu de tournage : Californie
Distribution : Harry Carey [Cheyenne Harry], Molly Malone [Joan Sims], Duke R. Lee [Thunder Flint],
George Berrell [Sweet Water Sims], Ted Brooks [Tom Sims], Milt Brown [Black-Eyed Pete], Hoot Gibson
[Danny Morgan], Vester Pegg, [Sheriff Daniels]
Harry Carey :


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A Marked Man
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Fiche technique :
Réalisateur : Jack Ford
Scénario : George Hively, d'après une histoire de Ford
Image : John W. Brown
Production : Universal Pictures Corporation
Durée : 50 minutes - 1500 mètres (5 bobines)
Distribution : Harry Carey [Cheyenne Harry], Molly Malone [Molly Young], Harry Rattenbury [Mr. Young],
Vester Pegg [Kent], Mrs. Townsend (Anna Townsend) [Harry’s mother], William Gettinger [sheriff],
Hoot Gibson, Joe Harris
Harry Carey (1878 - 1947)

Harry Carey né au sein d'une famille aisée à New York n'était pas destiné à devenir un des acteurs
le plus représentatif du western muet. Les aléas de la vie l'ont fait dévier d'une voie toute tracée,
vers le théâtre. Ce n'est qu'à l'âge de 31 ans qu'Harry tourne son premier film avec Griffith pour
la Biograph à New York. Il suivra Griffith à Hollywood.
Puis en 1915, Harry Carey signe chez Universal où il tournera avec des jeunes réalisateurs tels :
Fred Kelsey, George Marshall et John Ford. Il incarnera un cowboy taciturne à la gestuelle particulière,
avec grand succès jusqu'au début des années 20. Son personnage sombre, ayant moins les faveurs
du public, Universal promut à sa place Hoot Gibson, ce qui poussa Harry à quitter Universal.
Voir la biographie de Demerval : http://forum.westernmovies.fr/viewtopic ... 15#p179258
Harry Carey et John Ford
En 1917, Harry Carey tourne pour la première fois sous la direction de Jack Ford, Pour son gosse.
Il y incarne son personnage récurrent, Cheyenne Harry. C'est le début d'une collaboration étroite
et complémentaire qui durera 4 ans, ils feront 26 films ensemble.
John Ford admirait Harry Carey. Il a déclaré "Harry Carey m'a beaucoup appris les premières années".
En effet Harry son ainé de 16 ans, avait déjà une longue expérience d'acteur depuis ses débuts avec
Griffith, en 1910. De plus, lorsque Harry Carey reprit le personnage de Cheyenne Harry avec Ford
dans Pour son gosse, il l'avait déjà interprété 8 fois auparavant. Dans cette collaboration Ford
lui même dit "Carey et moi écrivions nos propres scripts", ce qui leur a permis de peaufiner le
personnage de Cheyenne Harry.
La cowgirl Vera McGinis assise à gauche, John Ford avec des lunettes et Harry Carey assis à droite.
Tournage d'un film non identifié, en 1917 :

Photo : My Favorite Westerns.
Jack se souvient avoir proposé à Harry Carey de faire un film ensemble, ce qu'il accepta. "Je lui
ai fait remarquer qu'on n'avait même pas de machine à écrire. "Nom d'un chien, mais c'est inutile,
on n'a qu'inventer au fur et à mesure." ils avaient tout dans leurs têtes, rien sur papier. Une fois
que Jack avait finit le film, George Hively écrivait le scénario et l'envoyait aux archives d'Universal.
Contrairement à la vague des cow-boys fringants et "pomponnés" ils décident "de faire de Carey une
sorte de clochard, de vagabond à cheval. L'idée venait à 50% de Carey et à 50% de moi. Il portait
toujours une chemise bleue et sale, ainsi qu'une vieille veste et une espèce de combinaison rapiécée."
Malheureusement, la plupart des films ont disparu et il n'en restent que trois : Ranch Diavolo et
Bucking Broadway, tous deux de 1917 et Hell Bent, de 1918. Néanmoins quelques extraits de
The Scarlet Drop et Gun Fightin' Gentleman ont survécu.
Source : Peter Bogdanovich : John Ford.
L'hommage de John Ford à Harry Carey dans Le fils du désert (1948) :
"A la mémoire de Harry Carey

Brillante étoile au firmament des premiers westerns"

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À l'assaut du boulevard (Bucking Broadway)
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Poster original de 1917 de Gabriello de Angelis :

Photo : Wikipédia.

Photo : Wikipédia.
Ce film, longtemps considéré perdu, a été retrouvé en 2004 et a été restauré par les Archives
françaises du film du Centre national de la cinématographie.
Une excellente copie restaurée avec sous-titres français est visible sur le site Vimeo : https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q= ... ix48bRgAdA
Fiche technique :
Réalisateur : Jack Ford
Scénario : George Hively
Image : John W. Brown, Ben F. Reynolds
Production : Universal Pictures Corporation
Durée : 53 minutes - 1500 mètres (5 bobines)
Distribution : Harry Carey [Cheyenne Harry], Molly Malone [Helen Clayton], L.M. Wells [Ben Clayton] , Vester Pegg [Eugene Thornton], William Gettinger [Buck Hoover]
Peter Bogdanovitch : Comment se faisait la réalisation des films à cette époque ?
John Ford : Les films à deux bobines étaient tournés en cinq, voire six jours au maximum.
On allait sur les lieux du tournage à cheval. on tournait jusqu'à la nuit et on dormait sur
place dans des sacs de couchage. On restait jusqu'à la fin du film et on repartait à cheval.
A cette époque, comme les rushes se vérifiaient directement sur les négatifs, il était
difficile d'en dire quoi que ce soit.
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Carl Laemmle (1867 - 1939)

Photo : Museum zur Geschichte von Christen und Juden
Laemmle est né à Laupheim en Allemagne dans une famille juive.
Dès l'âge de 13 ans Carl travaille comme apprenti.
A la mort de sa mère en 1883, il émigre aux USA pour y rejoindre son frère en compagnie d'un
camarade d'école avec en tout et pour tout 50 dollars en poche. Il y exerce différents emplois,
il devient aide-comptable et développe ses talents de publicitaire puis dirige une chaine de
magasins de vêtements. Lors d'un voyage à Chicago il est étonné du succès des nickel-odéons et
en 1906,il décide d'investir dans le cinématographe, et il en achète plusieurs.
« Il n'y a probablement pas de théâtre dans la ville aujourd'hui qui soit aussi mauvais que mon
premier théâtre. Mais j'ai adoré. Tout ce que je possédais au monde était lié à ce petit théâtre.
Mes amis m'ont traité de fou, me disant que j'échouerais, que les gens se lasseraient, que le cinéma
ne serait jamais une bonne affaire. Mais, malgré tout j'avais confiance en cette nouveauté que
nous appelions le nickel-odéon,et sans être prophète, j'ai cru au cinéma ; allez savoir pourquoi !!!
Et, j'étais un vendeur ».
En 1909, Laemmle crée L'Indépendant Moving Pictures (IMP) basé à New York City et Fort Lee,
New Jersey.
Dès la première année, l'IMP produit environ 100 films, embauche Mary Pickford et Florence Laurence.
Son premier film est Hiawatha (1909) avec Gladys Hulette
Il se bat et gagne contre le monopole de la MPPC d'Edison qui impose des taxes aux studios indépendants
comme le sien, désirant produire des films.
En 1912, l'IMP est absorbée par Film Manufactuing Company Universal (composé de plusieurs studios)
et C. Laemmle en devient le président et produira plus de 400 films. Puis, il s'installe en Californie .
Harold Lloyd, Harry Carey, et Lon Chaney en seront les premières stars.
Laemmle vit à New York et Irving Talberg devient son bras droit à Hollywood.
John Ford et Erich Von Stroheim qui désirent passer derrière la caméra, ont le feu vert de Laemmle .
Le deuxième film d'Eric Von Stroheim s'avère un gouffre financier, Laemmle s'en sépare. Universal
compte sur son étoile Lon Chaney, et Carl Laemmle est mis petit à petit à l'écart, son fils le remplace à
la tête des studios en 1928 mais tous deux quittent l'entreprise en 1936 au moment de la Grande Dépression.
Laemmle est resté fidèle à sa ville natale en Allemagne et dans les années 30 a financé l'émigration
de centaines de juifs les sauvant ainsi de l'Holocauste.
Carl Laemmle et Albert Einstein :

Photo : Silent Hollywood.com

Photo : Silent Hollywood.com
A suivre...