Si vous trouvez ça trop long vous avez le droit de sauter des paragraphes, et si c’est trop ennuyeux je vous pardonne d’abandonner en cours de route.


Enfant des fifties, je n’ai malheureusement guère de souvenirs cinématographiques de cette décennie. Bien trop jeune pour me rendre seul au cinéma …
Dans ma banlieue natale, trois cinémas se partageaient le public de l’époque.
" L’Alcazar ", le moins confortable avec ses fauteuils en bois. Proche du domicile familial il servait à la fois de salle des fêtes, de salle de bal, et de cinéma. Je me souviens y avoir vu " Bambi " et " Le Pirate des Mers du Sud " la suite de " L’Ile au trésor " de Walt Disney.
Le second, et bien il fallait marcher un peu. " Le Foyer " : un cinéma paroissial. Le curé qui s’en occupait était le parfait sosie de l’Abbé Pierre, il ne lésinait pas sur les projections de films américains en tout genre.
C’est dans cette salle, en 1956, que je découvris le 7éme Art avec le film d’aventure de Richard Thorpe " Les Chevaliers de la Table Ronde ". C’est mon plus lointain souvenir, mais pas le plus marquant.
Le troisième, " Le Rex ", le plus luxueux de tous, mais aussi le plus éloigné, le bus ou la voiture étaient nécessaires pour s’y rendre. C’est le seul encore en activité aujourd’hui, et transformé en multiplex.
Trois cinémas, trois séances par semaine et trois publics différents.
Les familles avec enfants, les jeunes couples, et une jeunesse relativement tranquille s’y pressaient le samedi soir. Guère de problèmes, les spectateurs venaient pour voir : " un film ". C’était ma soirée préférée.
Le dimanche après midi… Aaah !... Il valait mieux l’éviter si l’on était cinéphile. Le grand rendez-vous du week-end des ados. Du chahut, des cris, du bruit en permanence et bien sur la traditionnelle bordée de sifflets quand une actrice osait montrer un léger décolleté !...
A L’Alcazar, les responsables ne pouvaient surveiller la totalité de la salle large et profonde, les perturbateurs s’en donnaient à cœur joie !
Scénario différent au Foyer, le curé veillait au grain, observant discrètement par l’une des deux fenêtres de projection au dessus du balcon. Dés que l’agitation s’avérait un peu trop forte à son gout, il n’hésitait pas à descendre avec le projectionniste afin de sermonner gentiment, mais fermement, cette jeunesse pleine de vie. Il était écouté, personne ne bronchait et aucune insulte ne fusait à l’époque !
En revanche, le dimanche soir, il y régnait le calme absolu !... Cette séance s’adressait particulièrement aux célibataires, aux retraités, et aux commerçants qui souvent fermaient boutique le lundi.
Le début des années 60 m’ouvrit d’autres horizons. Certes, je fréquentais ( encore accompagné ) mes cinémas de banlieue, dans lequel des films comme " La Bataille de Marathon "," Alerte aux Indes ", " Les Rôdeurs de la plaine ", entre autres, me firent passer d’excellentes soirées. Mais mon père, fan des grandes superproductions hollywoodiennes, eut un jour la bonne idée de m’emmener dans un cinéma que je qualifie de magique . Le Palais des Congrès de Lyon possédait une salle immense érigée en amphithéâtre et spécialement dédiée au 7ème Art, une des rares en France équipée pour le Cinérama avec un gigantesque écran incurvé. Le film projeté fut bien sur " La Conquête de L’Ouest ". Mon plus beau souvenir cinéphile de cette époque. Des gens venaient de très loin pour assister à cette séance, et il fallait un sacré recul pour gouter convenablement à ce spectacle…
A partir de là cela devint un rituel, mon père et moi ne manquâmes aucun de ces grands évènements cinématographiques. Les séances se succédèrent, et cette fois ci en Todd-AO 70mm ( le Cinérama ayant été abandonné ) : " Ben-Hur ", " Alamo " ( en version longue ), " La Chute de l’Empire Romain ", " Le Cid ", " Lawrence d’Arabie ", " Les Cheyennes ", " Spartacus ", pour ne citer que ceux là, furent un éblouissement visuel !
Comme il était possible de louer ses places une semaine auparavant, nous réservions toujours les mêmes, et ceci grâce au plan de la salle affichée au guichet : les deux places au milieu du dernier rang !... C’était les meilleures !... On dominait l’écran !
A partir de 1965, bien que commençant à me rendre seul dans les salles obscures, mais souvent entre copains, je n’en continuais pas moins à m’abreuver, avec mon père toujours, de ces séances à grand spectacle. Et les soirées mémorables continuèrent : " Le Docteur Jivago ", " La plus Grande Histoire jamais contée ", " Guerre et Paix " ( la version Russe en deux époques ) et même la ressortie de " Autant en emporte le vent ", restaurée en 70mm pour la circonstance !

Le western remplissant une grande partie de mon programme, je multipliai les rendez vous avec lui. Par contre il était de plus en plus difficile de voir un western américain des années 50, car le grand tournant du genre se produisait, l’européen prenant lentement l’ascendant sur son homologue. Dés lors le mélange des deux fut inévitable, un jour j’allais voir " Les Compagnons de la Gloire " dans un petit cinéma de quartier, et peu de temps après " Le Bon, La Brute, Le Truand " dans une salle vaste et confortable, puis c’était l’inverse, les " Winnetou " dans mon cinéma de banlieue et " Custer homme de l’Ouest " dans une salle luxueuse. L’amateur avait encore le choix mais il se devait désormais de partager son amour du genre avec deux styles bien différents.
Puis 1968 arriva… je fis en parallèle la découverte d’un autre cinéma, plus culturel celui là, connecté avec la jeunesse de ces années. Des films comme " Easy Rider ", " Alice’s restaurant ", " Woodstock " , marquèrent mon esprit libéral.
Au début des années 70 je continuai dans cette voie, fréquentant parfois plus les CNP que les cinémas traditionnels. Je n’oubliais pas le western pour autant, mais cette fois la vision fut bien différente, tantôt horrifiée avec « Soldat Bleu « et parfois apaisante comme « Jeremiah Johnson «, m’identifiant avec bonheur au personnage central dont j’avais quelque peu l’allure en ce temps là.
De bonnes surprises également avec des westerns comme " L'Homme sauvage " ou " Le Solitaire de Fort Humboldt ".
Après, la vie familiale, les enfants, prirent le dessus, et les sorties cinéma devinrent secondaires. Le western étant très rare, la télévision et la vidéo remplirent leur rôle de substitution.
Malgré cela, le cinéma fait toujours partie de mes loisirs préférés.