Je viens de découvrir ce Topic passionnant.
Or il se trouve que je viens de faire parvenir un article concernant ce sujet à notre grand passionné de Lucky Luke:
Tecumseh.
Il s'agit d'un article provenant de la revue Gii Wiff publié en 1963.
Giff-Wiff est considéré comme la première revue francophone d'étude de la bande dessinée
Centre d'études des littératures d'expression graphique
Présidée par Francis Lacassin, avec le réalisateur Alain Resnais et la sociologue Évelyne Sullerot pour vice-présidents,
Dans ce N° "ronéoté à quelques centaine d'exemplaires" Francis Lacassin se livre à une étude sur l'influence du cinéma Western sur Lucky Luke. On est en plein dans le sujet.
Mais cet article est tellement volumineux qu'il est impossible de le publier sur le forum.
Je vous en livre les premières lignes (il y en a près de 8 pages):
LUCKY, UN COW BOY TROP GRAND POUR LE CINEMA5COPE
Francis Lacassin
A l'instant même où le vieil Ouest ne laisse plus deviner ses paysages qu'à travers les persiennes d'une chambre d'hôtel, à l'instant où les gunmen retraités mettent des lunettes pour signer le contrat les attachant à la protection des banques autrefois dédiées à leurs pillages; à l'instant où les cow-boys veillent sur des vaches au lieu de protéger la veuve et l'orphelin Lucky Luke "le joyeux cow-boy" et son fidèle coursier Jolly Jumper demeurent les réconfortants et derniers vestiges d'une époque héroïque de pendaisons tumultueuses, de trains emballés à perdre haleine, de barques ouvertes à tous les truands, d'Indiens sentencieux et grognons, de saloons paradisiaques où des pianos mécaniques aux accords fatiguée faisaient danser des aventuriers qui ne l'étaient guère. Aussi "le joyeux cow-boy a‑t‑il pour fervents supporters tous les cinéphiles épris de grands espaces, de fusillades et de chevauchées et qui regrettent que le western pétaradant dont il est le tonitruent et vigoureux symbole abandonne les écrans sur la pointe des pieds pour éviter de rencontrer la fureur d'Hercule ou de contrarier la vengeance d'Ursus ‑
Un portrait de ce brave ne saurait être tracé sens référence à d'illustres parrainages. Tout à la fois, il réunit en lui la jeunesse d'Audie Murphy, le flegme de Randolph Scott, l'élasticité et l'astuce de Douglas Fairbanks, l'humour de Glenn Ford, la force de John Wayne, la longueur et le nonchalance de Gary Cooper, le cheval de Tom Mix et une mèche de cheveux qui m'appartient qu'à lui. Du héros d'autrefois, il possède le pedigree complet. Solitude triomphante qu'il partage avec son cheval. Intelligence mais elle s'appuie sur celle du dit cheval. Loyauté, faussement soupçonné d'assassinat et sur le point d’être pendu, il jure si on le libère de ramener les coupables dans les six mois; et au croque‑mort éploré, il promet de ne pas aller se faire pendre ailleurs. Habileté au tir: fabuleuse ! Courage qui lui fait nettoyer seul une ville infestée de brigands, ou provoquer la colère de Billy le Kid. Toujours prêt à porter secours, il affronte avec calme, avec humour même, les pendaisons, les batailles rangées en intérieurs comme en extérieurs. Une cigarette éternellement vissée eux lèvres, il parle peu, si ce n'est à Jolly Jumper Et enfin, avec la ruse et l'habileté d'un héros digne de ce nom: il utilise le déguisement. Le seul point par lequel il diffère du héros classique c’est l'insouciante désinvolture dont il ne se départit pas.
Autour de ce gaillard vigoureux et jovial sans ressemblance avec le cavalier usé d'amertume et dont les complexes s’étalent sur tous les écrans, s'agitant des figures familières qui s'estompaient déjà avec l'ancienne tradition. Peaux rouges qui n'aiment pas passer pour les derniers des Mohicans; vieux prospecteur, et son âne (une dernière foie entrevu dans l'appât d'Anthony Mann), vieux shérif hémiplégique ou rhumatisant, vieux cuisinier cocasse (Stumpy dans Rio Bravo) tricheur professionnel et tueur idem; vieux postillon dont les moustaches ont trempé dans les pires tord boyaux et frémi devant les hordes apaches, devant les Dalton, devant les Clanton, devant les James, devant Billy le Kid at bien d'autres gunmen de quelque envergure. Voici encore, la queue entre les jambes, toujours en train d'esquiver un coup de pied, Ran‑Tan‑Plan, caricature peu flatteuse de Rin‑Tin‑Tin. Et pour la fin, délicieux entre tous: le croque mort; le plus souvent gras, bien nourri et prospère, parfois funèbre et sarcastique comme de Funès, ou encore lilliputien, débile et jaune. Si les précédents personnages sont des familiers de l'écran, on n'y rencontre guère ce dernier. Il appartient en propre (aucun doute n'est possible tant ils l'ont amoureusement ciselé, cajolé et apprêté dans sa mise et ses paroles) à Morris dessinateur, et René Goscinny scénariste, pour la presse enfantine.