L'épreuve du bonheur -I'd Climb the Highest Mountain - Henry King - 1951

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kiemavel
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L'épreuve du bonheur -I'd Climb the Highest Mountain - Henry King - 1951

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L'épreuve du bonheur - 1951
Réalisation : Henry King / Production : Lamar Trotti / Scénario : Lamar Trotti et Henry King d'après le roman de Corra Harris / Photographie : Edward Cronjager / Musique : Sol Kaplan / Montage : Barbara McLean
Avec Susan Hayward (Mary Thompson), William Lundigan (William Thompson), Rory Calhoun (Jack Stark), Barbara Bates (Jenny Brock), Gene Lockhart (Jeff Brock), Lynn Bari ( Mme Billywith), Alexander Knox (Tom Salter)
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Au début du 20ème siècle, William Thomson, un pasteur méthodiste et Mary, une jeune citadine qu'il vient tout juste d'épouser, arrivent dans une petite commune rurale de Géorgie où William vient prendre en charge l'église locale. La pauvreté et l'isolement de la région, les problèmes quotidiens de la population locale mais surtout de grands drames personnels ou touchant toute la communauté, mettent en péril la foi et le mariage du couple. C'est «  l’épreuve du bonheur « …
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Un sublime Americana de plus pour ce spécialiste du genre. Henry King, avec le concours de Lamar Trotti pour le scénario, adaptait ici un roman partiellement autobiographique de Corra Harris qui fut l'épouse d'un pasteur itinérant de Géorgie. Henry King a respecté l'auteure puisque cette chronique familiale est racontée du point de vue de la femme d'un homme de foi au départ totalement étrangère au milieu rural auquel les époux s’intègrent et qui décrit aussi bien sa propre évolution en tant que femme et épouse, que la communauté au sein de laquelle son mari occupait une place centrale. Pour décrire les grandeurs et misères de cette Amérique rurale, Henry King et son équipe se sont transportés sur les lieux mêmes décrits par l’auteure, dans le nord de la Géorgie, une région de collines verdoyantes superbement mise en valeur. On découvre ces paysages au détour de séquences montrant les activités quotidiennes des habitants dont un grand nombre sont eux aussi authentiques puisque la population locale a été mise à contribution ; ces habitants apparaissant sans « ravalements hollywoodiens » et dans leur rusticité mais évidemment sans la moindre condescendance. Si Henry King veut manifestement faire l’éloge de ces vies simples des temps passés et s’il montre des évènements heureux ; chronologiquement, une fête de bienvenue, une longue séquence d'église (avec un très beau sermon sur le mariage) ou un pique-nique religieux dominical, pour autant il ne cache pas la rudesse de ces existences et les drames se succèdent sans que le réalisateur n'amène son film sur le terrain du mélodrame ou du récit édifiant. Ces drames peuvent atteindre toute la communauté (une épidémie mortelle) … un autre est plus personnel mais il va toucher indirectement toute la population (la mort d'un enfant au cours d’un pique-nique communautaire) et enfin, un drame intime va foudroyer William et Mary : la mort de leur enfant. Si ces drames n'entrainent pas de grands bouleversements au sein de la communauté, certains évènements (l'épidémie) vont ébranler les croyances, surtout celle de Mary, mais même William va sembler douter avant de retrouver bien vite son assurance.
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Henry King raconte cette histoire avec la même assurance ; et avec infiniment de douceur et de délicatesse. Il est comme son personnage principal : très humain, serein et sûr de lui. S’il survient des drames, il filme avant tout une population solidaire agissant ensemble (la pasteur et le médecin sont alliés et l’église sert même d’hôpital) et il montre à peine la douleur des survivants. Son genre, c’est plutôt la pudeur : durant l'épidémie, le buggy de William et Mary s’arrête sur le bord d’un chemin et ils observent de loin la procession menant au cimetière un enfant dont le cercueil est porté à l’épaule par son père. Ça dure 30 secondes et c’est le seul mort que l’on verra en dehors de leur propre enfant plus tard … Le réalisateur est bien aidé par William Lundigan que je n'avais jamais vu aussi convaincant et qui apporte une dignité et une conviction tranquille à sa représentation du prédicateur. Sa croyance profonde l'amène à vouloir convaincre ses administrés mais sans dogmatisme (un athée n'est pas ostracisé et pas plus le jeune paria de la communauté que William est même l'un des rares à défendre). Il s'efforce en douceur de revivifier la foi au sein de la communauté tout en tentant de resserrer les liens au sein des familles et d'apaiser les conflits. Dans son premier sermon, dans une séquence sublime, il va même aller jusqu'à forcer des couples peu enclins à manifester leur attachement à renouveler leurs liens en se rapprochant physiquement ce que manifestement ils ne faisaient plus.
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Si William est donc montré comme quelqu'un de déterminé, mais gentiment opiniâtre, et sachant faire preuve de tolérance, c'est aussi un jeune homme plein d'énergie. Henry King sait illustrer sa jeunesse, sa "modernité", sa juvénilité (par deux fois, on le voit défier le "paria" dans des courses de buggy dans une version 1910 de la course de voitures des 50's) ou encore sa virilité. Dans son couple, la sensualité n'est pas occultée. Une séquence nous montre mari et femme occupés à leurs taches, lui labourant le jardin, elle étendant du linge. Soudain, lorsque William arrive à la hauteur de son épouse, il s'arrête brusquement, saisi Mary par derrière, la bascule en arrière et l'embrasse fougueusement. « Ce n'est pas ainsi qu'un prêtre embrasse » se défend faussement Mary … William pourra aussi se montrer naïf, imprévoyant et impétueux et dans ce cas, c'est Mary qui lui remettra les pieds sur terre (en lui conseillant de ne pas se couper du plus riche fermier, par exemple). La citadine, née dans une grande ville du sud, avait pourtant été montrée comme un peu perdue à son arrivée. Progressivement, la jeune femme qui apprend à être une femme du sud sachant tenir une maison (ses mensonges au sujet de son expérience en la matière est sujet de plaisanterie dans le couple) et soutenir son époux va prendre de l’assurance. Il faut bien dire que cette vision du rôle de la femme agacerait plus d’une spectatrice d’aujourd’hui … mais nous étions en 1951 et Henry King était un modèle 1886. Ceci explique cela … Du coup, même si la narratrice est bien Mary (la voix off de Susan Hayward est presque omniprésente), bien souvent ses propos se résume à « mon mari a dit ; mon mari a fait ». Pire, parfois elle confesse ses « fautes ». Au moment où leur enfant meurt, le couple se retrouve brièvement en péril par l'arrivée d'une autre citadine, l'élégante Mme Billywith (Lynn Bari) une riche femme malheureuse en ménage qui sous couvert de quête spirituelle (le commentaire des écritures) a en réalité des vues sur William. Or, Mary attribue cette crise «  au péché le plus grave qu'une femme puisse commettre contre son mari : j'ai cessé de m'occuper de mon apparence ». Féministe s’abstenir … Heureusement, lors de l’explication entre les deux femmes, le réalisateur s’en sort royalement en amenant la séquence vers le tragi-comique.
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En dehors des plus ou moins grands drames, William doit aussi faire face à des problèmes communs à toute communauté humaine : la résolution des conflits personnels … Ainsi il va s’efforcer de faire accepter Jack Stark (Rory Calhoun), un jeune homme marginalisé qui souhaite épouser Jenny (Barbara Bates), sa petite amie de longue date malgré le refus catégorique du père de cette dernière (Gene Lockhart). Ou encore la réintégration dans la communauté d’une famille marginale. En l’occurrence, c’est la personnalité du père de famille, Tom Salter (Alexander Knox), un athée, ancien étudiant de l'Université de Harvard, qui marginalise cette famille qui subit ses principes (là aussi la femme semble soumise). En ce qui concerne ce personnage, il faut la aussi s’accrocher un peu car si la parole de l’athée est respectée (plusieurs dialogues bien écrits donnent la parole à l’athée contre le « curé »), le personnage - jamais montré autrement qu’un bouquin à la main (et pas la bible) - et tirant la gueule - est ultra caricatural. Les athées ne sont vraiment pas marrants … et ils ne croient pas plus en Dieu qu’au père Noël (… d’ailleurs ce fourbe de pasteur passe par les enfants pour l’amadouer) … Alors évidemment la colère divine s’abat sur la famille ! Je ne dévoile pas la suite des évènements et notamment les surprenantes images finales mais la morale du King semble être : «  se conformer ; ou souffrir des conséquences « . Dur. Et pourtant, c’est tellement beau que je n’arrive pas à en vouloir à Henry. Sur le moment, j’ai eu l’impression de voir un de ses 3 ou 4 plus beaux films. Avec un peu de recul, les idées un petit peu moisies font contrepoids … mais néanmoins je ne peux que conseiller ce film sublime car au final c'est bien ce qu'il est. Vu en vost.
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