Django - 1965 - Sergio Corbucci

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Breccio
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Breccio »

La sagesse parle par la bouche de Longway.
Mais les réactions des "hostiles" sont néanmoins parlantes. Elles nous rappellent que, à l'époque de son apparition, le western all'italiana s'inscrivait en rupture par rapport à son modèle américain.
Il ne faut pas oublier non plus les conditions de production. Le cinéma populaire italien était une machine qui devait à tout prix tourner ; le western a remplacé le péplum avant d'être lui-même remplacé par le policier (je schématise), mais le "personnel" (scénaristes, metteurs en scène, chefs-op, musiciens, acteutrs...) restait plus ou moins le même.
De la part des créateurs, donc -- par opposition aux faiseurs --, il ne faut pas s'étonner de voir perdurer des thèmes et des obsessions. Corbucci, comme Leone et par la suite quelques autres, a utilisé les codes du western (après avoir fait des choses plus sages) pour développer sa vision personnelle. Peut-être l'aurait-il fait dans le cadre du péplum si celui-ci avait perduré.
Donc, chercher des points communs entre Django et un western américain "classique" est un non-sens.
Ce qui ne diminue en rien la valeur des westerns américains classiques. Simplement, nous n'avons pas affaire à la même forme.

Pour en venir au film, je ne l'ai pas encore revu, donc je n'entre pas dans les détails pour l'instant. Mais je me suis fait une remarque en visionnant certains autres westerns italiens d'un oeil critique, et cette remarque s'applique au film de Corbucci.
Sur le plan du scénario, nombre de westerns italiens développent un motif que j'appellerai le "triangle conflictuel", et qui trouve sans doute son origine dans le proverbe qui me sert de signature : "Quand deux hommes s'affrontent, le vainqueur est toujours le troisième". De nouveau une rupture avec le cinéma américain classique qui, bien souvent mais pas toujours, developpe un motif binaire (la lutte du bien contre le mal).
A suivre.
B
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Longway
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Longway »

Le générique.

La scène débutante est quelque chose d'irréel, produisant d'emblée un choc moral, anéantissant d'un coup soixante années dédiées aux ouvertures montrant un héros bien propre, accompagné de sa fidèle monture tout aussi clean. A sa place un cercueil, image des plus morbide, image que le western américain utilise également, mais toujours proprement et respectueusement lors d'obsèques de victimes de hors la loi. Ici c'est la crasse, la boue, voire la putréfaction qui est exprimé, le héros est devenu la monture sombre de ce sinistre corbillard.

J'ai lu sur un autre site que le cadavre du western américain était censé symboliquement se trouver à l'intérieur, interprètation judicieuse j'en conviens si l'on se replace dans le contexte de l'époque, où les réalisateurs américains s'épuisaient dans des séries Z baclées et sans génie comme les productions AC LYLES, signant à plus ou moins brève échéance l'arrêt de mort du genre.
Je n'irai pas si loin, et perçois plutôt cette marche macabre comme une volonté définitive de la part du héros à vouloir enterrer un passé trop lourd à porter, tellement lourd qu'il est obligé de le tirer... une dernière fois jusqu'à la prochaine ville qui est le but ultime de son chemin de croix : retrouver l'assassin de celle qui représentait son espoir et son avenir, autre que celui ( noir ) dans lequel il vit depuis.
Cette dernière mission accomplie, le cercueil contiendrait alors tous les antécédents négatifs, il ne resterait plus qu'à le faire disparaitre sous terre et ainsi débuter une vie nouvelle, la précédente étant enfouie à jamais.
Curieusement on ne verra pas le visage de Django durant tout le générique. Cet homme ne représente t-il pas le visage de la mort, guidant la charrette fantôme prête à accueillir les âmes des damnés ?
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Sartana
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Sartana »

Tu soulignes exactement ce qui est important : le parcours de Django est un chemin de croix.
Il a fait la guerre, il est tourmenté. Il traîne son passé comme son cercueil, à pied. Le fouet pourrait être remplacé par le soleil qui brille et qui frappe, et que Django a dû subir pour arriver sur les lieux de l'intrigue. Le chemin de croix ira jusqu'au bout puisque les mains de Django seront broyées, symbolisant les stigmates du Christ.

Malgré son look qui laisse à penser qu'il est un hors-la loi, un fugitif, nous sommes vite rassuré puisque dès la deuxième scène, le premier acte de Django est tout de même un acte de justice (libérer la jeune femme violentée). C'est bien un héros ! Ouf !

Il parle peu. Parce qu'il n'est pas là pour raconter sa vie. Heureusement car elle n'est pas reluisante. Il est là pour enterrer le passer. Ou plutôt pour l'aider à être enterré. La vendetta est un thème très attaché à l'Italie : l'honneur bafoué, la femme assassinée, tout ceci se règle soi-même, à cause de la lenteur et surtout de l'incompétence des autorités à faire le travail. L'autorité est au service du puissant. Que peut alors faire un homme qui n'a plus de vie ? Prendre le risque (mais est-ce toujours un risque lorsqu'on est déjà mort ?) de lutter pour obtenir la réparation ou la paix.

Une fois vengé, et tout comme Shane, Django repart. Tout comme Shane également, on se demande s'il mourra en route ou s'il retrouvera une nouvelle vie ?... Espérons que son chemin de croix le mène à ressusciter...
"Il suffit de franchir les limites de la violence individuelle qui est criminelle,
pour atteindre la violence de masse qui... qui fait l'histoire..." Brad Fletcher dans Le dernier face à face
Personne a écrit :Sartana, tu as un coeur de pierre!
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Longway
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Longway »

Sartana a écrit :
Une fois vengé, et tout comme Shane, Django repart. Tout comme Shane également, on se demande s'il mourra en route ou s'il retrouvera une nouvelle vie ?... Espérons que son chemin de croix le mène à ressusciter...
Oui, sauf que Shane repart seul, son destin final reste à l'apréciation de chacun. Pour Django c'est en principe différent ( je dis bien en principe ) puisque Maria est censée l'accompagner. Seulement voila, l'image finale ne nous le montre pas, le réalisateur s'est bien abstenu d'une fin à l'américaine avec l'élue du coeur accourant pour féliciter son héros. Bien que celle ci ait déclaré son amour à Django, lui apparement n'a pas l'air si emballé que ça pour repartir avec elle. L'aime t-il ?... Rien n'est moins sur ! Dans ces conditions on ne peut encore ici que le supposer.

Toujours à propos du générique, qui interprète la chanson ? Il me semble que c'est Bobby Solo. C'est bien lui n'est ce pas ?
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Breccio
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Breccio »

Longway a écrit :Toujours à propos du générique, qui interprète la chanson ? Il me semble que c'est Bobby Solo. C'est bien lui n'est ce pas ?
Rocky Roberts selon Western all'italiana (Glittering Images), Roberto Fia selon Giré. Mais c'est peut-être le même -- je vais tâcher de vérifier.
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Liko
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Liko »

Roberto Fia est le chanteur de la version italienne, aucun doute sur cette version. Pour la version anglaise, le nom du chanteur n'est pas inscrit sur la B.O que je possède.
Le nom de Roberto Fia apparait dans la B.O "The Italian Western of Luis Bacalov", sur cet album le titre est chanté en anglais.
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Jicarilla
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Jicarilla »

:lol: :lol: Bien content de vous lire ce matin, enfin de la bonne lecture et pas de gunfighter's à l'horizon et que cela continue....comme un bon vieux sérial en attendant la suite.... à la votre COMPAGNEROS :sm32: Image CARMELITA tourné général au saloon.... :sm32:
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Longway
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Longway »

Le sérial ne fait que commencer, si tu le désires tu peux participer à un épisode toi aussi. :lol:
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Jicarilla
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Jicarilla »

:lol: :lol: Oh...faire de la littérature oh.. non je suis incapable :oops: :oops: je laisse la place aux spécialistes du forum :beer1: :beer1:
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par tepepa »

Je reviens sur quelque chose qu'on avait déjà soulevé sur Le Grand Silence. La fin est tellement rapide, abracadabrante, irréaliste, que c'est à se demander si c'est bien celle là que Corbucci voulait tourner. Peut-être par auto-censure, peut-être à cause d'une pression extérieure, Corbucci n'aurait pas oser filmer la mort de Django. Cela sera réparé avec le grand Silence. Autre similitude, je trouve, assez troublante: Franco Nero a été choisi parce qu'il ressemble à Clint Eastwood, mais il paraît extrêmement jeune dans Django, plus fluet, très vulnérable quand il enlève sa vareuse, un peu comme Trintignant dans Le Grand Silence. Sa jeunesse fait qu'il a beau jouer les durs, sa fragilité est très visible.

Et supposons que cette hypothèse invérifiable de la mort avortée de Django soit vraie, alors on pourrait même conjecturer que le genre western spaghetti aurait été pris beaucoup plus au sérieux si Corbucci avait suivi son idée, tant le film a marqué les esprits. Une fin moins invraisemblable aurait peut-être généré une descendance moins absolument encline au portnawak, des films encore plus pessimistes.

Maintenant, toutes ces hypothèse amènent la question: pourquoi Le Grand Silence n'a-t-il pas eu de succès, et Django aurait-il eu le même succès si Franco Nero était mort dans la boue à la fin ?
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Breccio »

Lundi matin, faut bosser, oui mais non. Tonton Breccio se revisionne Django pour en parler au coin du feu avec les copains.
Alors je dis merci.
Parce que ça faisait trop longtemps que je l'avais pas vu, ce film, et, du coup, je le découvre encore plus époustouflant que dans mon souvenir.
Je suis encore sous le choc, d'ailleurs.
Que dire ?
Ceci, pour commencer : je suis encore plus frappé par le décalage fondamental de ce film par rapport à toutes les attentes que l'on peut avoir quand on connaît le western américain et même les films de Sergio Leone.
L. a très justement invoqué l'influence bunuelienne, mais je vois aussi des clins d'oeil à Kurosawa, Orson Welles, Fellini... Dans la composition des images -- surtout le rapport entre le 1er plan et le fond --, je vois quantité de citations à ces cinéastes. Ajoutez à cela un mépris total pour le réalisme. On n'est plus dans le western , mais dans le théâtre de l'absurde -- Django traînant son cercueil sur divers échafaudages pour rejoindre la salle au trésor... --, un champ clos où s'affrontent des factions grotesques dont l'idéologie -- révolution, pureté de la race -- ne sont que des prétextes.
Plutôt que de réalisme, il faut parler de texturation -- l'hyperréalisme des images (décors, visages, corps -- bravo à Enzo Barboni). Une assise pour un mythe.
Tout compte fait, l'aberration fondamentale, c'est le fait qu'il y ait eu des séquelles.
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par tepepa »

Breccio a écrit : Ceci, pour commencer : je suis encore plus frappé par le décalage fondamental de ce film par rapport à toutes les attentes que l'on peut avoir quand on connaît le western américain et même les films de Sergio Leone.
Tout à fait d'accord avec ça. Ce qui frappe avec Django, c'est que ça n'a finalement pas grand chose à voir avec Leone. Pour un pistolero taciturne et une violence pompée sur le maître, combien d'innovations qui feront date dans le genre ?: la ville sous la coupe-coupe d'un affreux méchant, le sous-de-plat politique, le leitmo-tic de la condition météo, l'attachement aux miserereux, la déterritorialisation mitrailleusienne, l'imagerie mord-bide...
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Jicarilla »

:lol: :lol: :lol: Mais alors la je suis méchant.. mais alors vraiment méchant .....
:D :D NERO se balade avec un cercueil si je comprend bien .... :cry: :cry: :cry:Alors la je pense simplement que CORBUCCI avait bu trop de CHIANTI avant d'entamer son tournage. :lol: :lol: d'où l'inspiration
:lol: :lol: aller je retourne chez mes voisines boire le café :lol: :lol:
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par Breccio »

Je vous livre mes impressions en vrac, à mesure qu'elles me reviennent, entre deux paragraphes de traduction (faut bien que je bosse).

Scénario : toujours ce leitmotiv du western italien : le héros, l'étranger magnifique, s'interposant entre deux camps pour les éliminer l'un après l'autre.
On est en droit de s'interroger sur l'importance affective de Maria pour Django : peut-être ne la considère-t-il que comme un appât, un leurre. S'il est bien revenu venger son épouse morte (Mercedes, selon la croix), Maria n'a sans doute aucune valeur à ses yeux. D'ailleurs, ne parle-t-il pas d'illusion avant leur accouplement ?

Mise en scène : je n'ai pas les outils théoriques pour exprimer l'émotion que font naître en moi ces images. La composition des plans, le choix des couleurs et des textures, les mouvements de caméra. Je vois deux ou trois choses (la hauteur de l'objectif lors de la première scène où apparaît Django -- il semble plus grand que ses antagonistes ; le relief que prend le mouvement lorsque les encagoulés débarquent dans la ville)... tout cela me prend aux tripes.

Parenthèse : hier, j'ai vu à la télé un film américain récent jouissant d'une bonne réputation -- Inside Man, de Spike Lee, avec Clive Owen, Denzel Washington et Jodie Foster -- et, tout en reconnaissant que c'est du bon travail (dans le registre thriller déjanté à l'américaine, avec des codes que je connais et dont je peux apprécier la mise en oeuvre), je ne peux m'empêcher de penser que tout cela "visualise faux" (par analogie avec l'expression "sonner faux"), alors que Django "visualise vrai" -- même si, je le répète, le film ne revendique aucun réalisme.

Un mythe qui sonne juste ?

B
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edocle
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Re: Django - Django - 1966 - Sergio Corbucci

Message par edocle »

On peut aussi se poser la question suivante :
"Pourquoi Django ne va jamais à cheval contrairement aux autres héros des westerns ???"
J'avoue que je n'ai aucune réponse.........
Amicalement E.
:beer1:
Quand les colts fument ... on l' appelle Cimetière !

" Quelque soit la couleur de la peau, le sang est rouge pour tous !"
(Au-delà de la haine de Alessandro SANTINI - 1972)
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