Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

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Cole Armin
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Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Cole Armin »

Réalisé par John Ford
Avec:
James Stewart ... Marshal Guthrie McCabe
Richard Widmark ... First Lt. Jim Gary
Shirley Jones ... Marty Purcell
Linda Cristal ... Elena de la Madriaga
Andy Devine ... Sgt. Darius P. Posey
John McIntire ... Maj. Frazer
Paul Birch ... Judge Edward Purcell
Willis Bouchey ... Mr. Harry J. Wringle
Henry Brandon ... Chief Quanah Parker
Harry Carey Jr. ... Ortho Clegg



Attention, les SPOILERS sont autorisés, donc ne lisez pas ce topic avant d'avoir vu le film.

Tous les documents sont à poster dans ce topic:
http://forum.westernmovies.fr/viewtopic.php?f=20&t=7311

Que le débat commence! :beer1:
"Attends d'être aussi vieux que moi pour parler comme moi"
Walter Brennan dans La Rivière rouge

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Pike BISHOP
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Pike BISHOP »

En 1961, FORD commence à sentir le poids de la vieillesse et des échecs...
Dans son livre Lindsay ANDERSON juge très sévèrement "TWO RODE TOGETHER" et cite bon
nombre de témoins et interviewers à la rescousse; Peter BOGDANOVITCH, Dan FORD, Harry CAREY
ect...
FORD aurait accepté de faire ce "foutu" film pour rendre service à Harry COHN patron de la Columbia...
En fait il était très bien payer pour cela, et il allait tourner avec deux stars qui l'impressionnaient
et il n'y en avait pas beaucoup dans le métier...
Dès le départ, il dit qu'il déteste le scénario, ensuite il dira "C'est la pire connerie que j'aie faite"
"Je n'y ai pris aucun plaisir".. Baclé, pas baclé ? Les Américains dénigre vite ce qui n'a pas eu de succès...
Je ne suis pas sûr que FORD ait eu une aussi basse opinion de lui-même...
Ce dont je suis sûr, c'est que ce "mauvais" film de FORD dépasse haut la main 80 % de la production
westernienne.....
If they move, kill'em !!
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musselshell
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par musselshell »

Pike BISHOP a écrit :En 1961, FORD commence à sentir le poids de la vieillesse et des échecs...
Dans son livre Lindsay ANDERSON juge très sévèrement "TWO RODE TOGETHER" et cite bon
nombre de témoins et interviewers à la rescousse; Peter BOGDANOVITCH, Dan FORD, Harry CAREY
ect...
FORD aurait accepté de faire ce "foutu" film pour rendre service à Harry COHN patron de la Columbia...
En fait il était très bien payer pour cela, et il allait tourner avec deux stars qui l'impressionnaient
et il n'y en avait pas beaucoup dans le métier...
Dès le départ, il dit qu'il déteste le scénario, ensuite il dira "C'est la pire connerie que j'aie faite"
"Je n'y ai pris aucun plaisir".. Baclé, pas baclé ? Les Américains dénigre vite ce qui n'a pas eu de succès...
Je ne suis pas sûr que FORD ait eu une aussi basse opinion de lui-même...
Ce dont je suis sûr, c'est que ce "mauvais" film de FORD dépasse haut la main 80 % de la production
westernienne.....
Totalement d'accord avec çà. Ford a t'il dénigré le film parce qu'il était sur commande? Parce qu'il n'aurait pas eu de succès?Le plus bizarre de l'affaire, c'est que toute sa thématique désabusée atteint ici au cynisme pur, au quasi total désenchantement...Et çà, il ne voulait pas en parler, voire l'admettre. "the worst crap i've ever made"...disait-il. Et pourtant, Ford est complètement là, terriblement proche. Paradoxe passionnant...On y reviendra...
C'est beaucoup trop 255 caractères. Je renonce à apposer une signature.
Ah...c'est la limite haute...
Je renonce quand même. Je sais pas quoi dire, de toutes façons.
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Vin
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Vin »

Dès le début du film, nous sommes pris à contre-pied.

Jimmy Stewart est un shériff corrompu, qui touche 10% des recettes de "Belle", femme qu'il protège et qui l'entretient en retour.
Beau contre-emploi pour Stewart, qui s'en donne à coeur-joie dans le cabotinage lié à ce rôle de semi-maquereau.
Widmark, lieutenant de cavalerie (pas fréquent non plus, le Richard en chevalier blanc et pur) vient le chercher dans la petite ville où Stewart exerce, pour une mission inconnue.

Départ assez classique, somme toute.

Et très vite, nous retrouvons l'univers fordien, mais un univers étonnant, une sorte de copie/plagiat/autodérision. J'en veux pour exemple le sempiternel sergent, qui là n'est pas à la hauteur, mais c'est très probablement volontaire.
N'est pas Ben Jonhson ou bien McLaglen qui veut.

La mission? Très fordienne> récupérer des blancs enlevés jeunes par des Comanches.
Le clin d'oeil à "La prisonnière du désert" est au minimum appuyé.
Stewart nous prouve là que McCabe est toujours corruptible, il demande des sommes astronomiques aux familles de fermiers, sachant qu'il est prêt à ramener au plus offrant les blancs qu'il trouvera.
On retrouve des personnages classiques (les fils bagarreurs par exemple) mais outranciers.

Tous deux partent et ô surprise, plus de paysages renversants, plus de longs plans, plus d'écho des détonations dans les canyons, mais une ballade de santé dans une prairie, qui leur permet de retrouver les Comanches bien vite, parqués dans leur réserve.

Là le chef Parker (authentique) les reçoit (Tsst, version empâtée du même acteur que dans "la Prisonnière...")et contre 5/6 winchesters, accepte de leur remettre des membres blancs de la tribu...Hum hum..
Ford retrouve ses démons : les blancs retenus, qui vivent librement chez les Comanches, sont tous abrutis, à tel point que pour l'une d'entre elles (Frida) ils la laissent même chez Parker.

Belle surprise, ils découvrent "senorita", unejeune femme mexicaine, qui elle les suit volontairement.
Au passage, Stewart tue le mari indien de Senorita, bagatelle que celà semble-t-il.

Franchement, jusque là, on sent le film fait avec facilité.
Le seul intérêt réside dans les (fréquents) passages entre Stewart et Widmark, parce que ces deux-là rendraient même un film de Robbe-Grillet dynamique.

Retour au Fort-Grant, et le film change subitement..L'histoire que nous raconte Ford,là, c'est la redemption de McCabe.
Quoi, cette crapule amorale, ce mercenaire qui n'est shériff que pour s'enrichir,cette crapule disparaît,et le Jimmy que l'on aime renaît. Il tombe éperdument amoureux de Senorita (superbe Linda Cristal, très belle composition) et défie tous les tabous par amour.
Widmark le soutient totalement, frappe d'autres officiers qui avaient un peu trop montré leur mépris pour cette femme retenue par les Comanches.

Le happy-end approche, avec Widmark qui va épouser une jeune pionnière d'un classiscime à toute épreuve (même les nattes blondes sont là) alors que Stewart quitte tout, et part avec sa belle pour un avenir que l'on devine fusionnel.
Deux versions du couple américain (j'ai d'ailleurs pensé aux deux couples de la Conquête de l'Ouest, Jimmy déjà, et Gregory Peck).

Pour moi, un bon film, porté surtout par ses acteurs. L'ensemble manque du souffle épique habituel à Ford, c'est certain.
Mais comme je l'ai lu quelque part ici, un Ford au rabais vaut bien des films traditionnels.
Je regrette en fait surtout l'absence de soins apporté à l'univers du film, ce qui pour moi constitue souvent a contrario l'un des points majeurs des films fordiens.

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Daniel
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Daniel »

Plus tard, James Stewart dira à propos de Les deux cavaliers qu'il avait été terriblement déçu de son personnage dans ce western. Que le côté sombre de son personnage du Marshal Guthrie McCabe n'avait pas été assez explorer par le metteur en scène.

Richard Widmark tant qu'à lui n'était pas très entiché à tourné dans cette histoire peu intéressante. Il se trouvait trop vieux (au moins d'une quinzaine d'année) pour incarné le jeune lieutenant de Les deux cavaliers.

Toutefois, les deux acteurs firent le film surtout par amitié à John Ford.
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musselshell
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par musselshell »

Es-tu sûr que le vieux Gus passe de l'immoralité à la rédemption?
Moral, il l'est en creux depuis le début...sa façon d'accueillir les joueurs professionnels...qui ont le droit de boire un coup en vitesse mais pas dans "son" saloon...sa libération de la bande de poivrots dont son abruti d'adjoint a la garde (et qui vont réussir à se faire payer à boire)...sa confrontation verbale avec le colonel, adroit mélange de cynisme et de pur réalisme, d'humour aussi ( "they were expecting a messiah"..."that's exactly the kind of look the Romans gave the Christians before they turned the lions loose")...et puis, surtout, sa négociation avec Mr Wringle, prêt à offrir son fric pour n'importe quel captif afin de retourner à ses affaires: Mc Cabe exige plus d'argent, autant pour l'argent que pour tester les limites de l'ignominie du personnage, qui le dégoûte, qu'il va exploiter quand même...la cuite qui suit, où sa pensée réelle s'exprime dans ce que libère le whisky...cuité toujours, quand il baragouine à Marty que son petit frère n'est plus le souvenir qu'elle en a ("give him a chance, he'd rape you")...
Et tout au long, on a là le portrait d'un cynisme interessé, sans pitié, mais bourré (souvent ds tous les sens du terme) d'une humanité qui aurait renoncé à s'exprimer vraiment, sûre qu'elle est de perdre la partie au bout du compte. Le monde étant ce qu'il est. Gus Mc Cabe pense que "les méchants ont probablement compris quelque chose que les bons ignorent" (W. Allen évidemment), vit en fonction de çà, mais n'est dupe de rien, n'y arrive pas complètement...

La "senorita" (scène superbe quand Mc Cabe lui pose la question après le "she's no white" de J.Gary) ne sera pas seulement prétexte à la rédemption de notre grand escogriffe corrompu. Elle permettra à Mc Cabe de cracher le morceau, en renvoyant dos à dos la bien pensance rongée par le racisme de sa curiosité malsaine (l'obsession sexuelle et la fixation raciste) et les bons sentiments qui ne mènent nulle part.
Ce qui est probablement, en profondeur, l'"un" des vrais sujets du film...On y reviendra... :sm32:

Il est vrai que le traitement formel n'a pas la splendeur de the Searchers (ou mieux encore, de My Darling Clementine...), mais les personnages sont dans le cadre "sans que çà se voie", le film évitant les "vistas" qu'on associe trop souvent à Ford, alors qu'il savait faire autre chose...

Malgré tout, c'est bourré de poésie.C'est un peu balancé à l'emporte-pièce, mais je tenterai de m'expliquer là dessus (si besoin est!)... :sm32:
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musselshell
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par musselshell »

Daniel a écrit :Plus tard, James Stewart dira à propos de Les deux cavaliers qu'il avait été terriblement déçu de son personnage dans ce western. Que le côté sombre de son personnage du Marshal Guthrie McCabe n'avait pas été assez explorer par le metteur en scène.

Richard Widmark tant qu'à lui n'était pas très entiché à tourné dans cette histoire peu intéressante. Il se trouvait trop vieux (au moins d'une quinzaine d'année) pour incarné le jeune lieutenant de Les deux cavaliers.

Toutefois, les deux acteurs firent le film surtout par amitié à John Ford.
Oui, James Stewart a dit çà...Idem pour les propos de Widmark.
Mais regardez le bien, ce film...il n'y en a pas tant que çà, dans le western, des peintures de la complexité. Et John Ford n'a pas fait çà "sans le faire exprès". Plus précisément, j'irais jusqu'à dire que le traitement désinvolte (reconnu par notre réalisateur, confirmé par toute l'équipe) colle lui même à ce que fait passer le film. S'il était vraiment désinvolte (et souvent complètement saoul), Ford a fabriqué un truc qui ressemble à une fausse désinvolture. Il dit des choses, beaucoup de choses. Sur le racisme, sur le temps, sur la famille,sur l'argent, sur les illusions... sur l'idée qu'une société se fait de tout çà, vit de tout çà. Et avec çà...En 1961, Two Rode Together, en parlant de Blancs et de Comanches, réussit à parler de ce qui traverse son temps. Et beaucoup plus en profondeur qu'on pourrait le croire. C'est un peu çà, John Ford. C'était "plus fort" que lui...
J'exagère?
Oui, évidemment

Mais pas tant que çà! :wink:
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Vin
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Vin »

Pour McCabe, certes, on peut se demander, mais en même temps, il est simplement humain, ni tout à fait noir au début du film, ni sans doute tout à fait blanc ensuite.
La senorita, une chose me dérange un peu.
Pourquoi Ford va-t-il nous chercher une mexicaine (et Linda Cristal est sacrément couverte de fonds de teint) pour nous jouer la prisonnière libérée, qu'un McCabe peut aimer?
Il y a toujours des miasmes obscurs: les vrais "blancs" deviennent fous au contact des Comanches, ou au mieux semi-idiots.
La petite dame, elle, s'en sort plutôt pas mal, mais peut être que ses "origines" la prédisposent à mieux supporter les "sauvages".
Je vois sans doute de la malice là où il n'y en a pas.
Mais c'est quand même le seul personnage mexicain du film.
Ford a toujours navigué dans cette ambiguité vis à vis des indiens.
Pour l'obession sexuelle, je suis entièrement d'accord; la question posée sans cesse à la prisonnière par les femmes bien-pensantes, après sa libération, est d'ailleurs sans cesse : avez-vous eu des enfants? C'est à dire, avez-vous consommé?
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musselshell
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par musselshell »

Simplement humain Mc Cabe, c'est exactement çà...les autres ne sont pas inhumains, mais tous plus ou moins victimes de queque chose (leur propre veulerie, les illusions, les préjugés...). Dans ce cadre, "simplement humain", çà veut dire beaucoup...
Pourquoi Linda Cristal est-elle Mexicaine...Là tu as raison. Il y a des miasmes obscurs. Ca ne fait aucun doute, et c'est ce qui fait de Ford lui même un sujet d'interrogation quasi infini...Miasmes, oui. Obscurs, encore plus sûrement. Une WASP ne pouvait avoir "consommé"...Pourquoi? Préjugé fordien? Ou pour ainsi dire le contraire ( une WASP étant en l'occurence trop pétrie de bondieuserie protestante pour supporter l'"autre humanité", percue comme quasi bestiale...)? Ford était catholique, et çà aussi pèse lourd ds l'oeuvre...Il est lui même prisonnier d'une partie de ce qu'il dénonce. Il y a là quelque chose qui le rapproche de Faulkner... :sm32:
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Jean-Louis
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Jean-Louis »

Ce film est pour moi un mystère.

Je suis très gêné par les outrances du début, le père Ford n'y va pas avec légèreté.

McCabe, malgré ses airs bon enfant tient sous sa coupe la ville entière, il rackette ses concitoyens :
10% sur tout.
Sapé comme un prince, dégustant sa bière fraîchement tirée, allumant son cigare à la flamme
présentée par un larbin, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est à l'aise dans ses bottes, vous les avez vue ses
bottes cirées un vrai miroir, il ne descend pas souvent dans la rue, il ne risque pas de les salir...

Lt. Jim Gary, lui au contraire, l'officier de cavalry "mouille" la chemise d'uniforme, intègre, droit dans ses bottes
qu'il a crottées lui.

L'opposition entre les 2 est tranchée, d'un côté le civil qui vit dans l'opulence de l'autre le militaire
qui pour une solde de misère et un faible espoir d'avancement obéit srupuleusement aux ordres.

L'adjoint du shériff, plus crétin que lui tu meurs....

Le sergent, mon dieu...

Que l'on dise que John Ford était très souvent ivre sur ce tournage, je veux bien mais d'après ce que je viens de lire
c'est après le décès de Ward Bond qu'il a noyé son chagrin dans le whisky, au début du tournage si je me réfère au bouquin de Harry Carey Jr.,il était plutôt sobre ,
Ce que je veux dire, c'est que ces caractères sont déterminés dès l'écriture du scénario et ne sont pas le fruit d'un cerveau embrumé dans les vapeur d'alcool .

Ce début du film (ainsi que d'autres éléments) m'a déconcerté, pourtant je dois avoué l'avoir regardé avec beaucoup d'intérêt et même un certain plaisir.


Vin

"la question posée sans cesse à la prisonnière par les femmes bien-pensantes, après sa libération, est d'ailleurs sans cesse : avez-vous eu des enfants?
C'est à dire, avez-vous consommé?"


Je ne pense pas que la question soit de savoir si il y a eu consommation , comment pourrait-il y avoir doute sur ce point, mais bien avez vous conçu un ou des enfants avec ce "sauvage"?
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Vixare »

J'ai revu le film hier soir et un peu à la manière de Jean-Louis je reste perplexe en sachant trop que penser en voyant tant de clichés " Fordiens" qui avaient fait la force du Maître dans ses autres oeuvres être traités avec tant de désinvolture, tant d'auto-dérision ...
Mais comment réagir autrement dés le départ, comment après l'impression laissée par The searchers réagir autrement quand en plus on remarque les liens intenses entretenus avec l'oeuvre précédente, on a parlé du casting avec Brandon mais c'est aussi toute la troupe des John Qualen, Mae Marsh, Olive Carrey, Harry Carrey Jr etc ... et surtout ce qu'ils représentent chez Ford, pareil pour la figure du sergent ( étrangemement ressemblant à Hardy et dans la scène de bagarre avec les fils du pasteur dans le genre " coup de boudène " comme on dit chez moi l'analogie est vite faite ) le thème de l'enlèvement et de l'aculturation enfin bref je ne vois pas comment dés le départ on ne peut sentir un certain malaise ?? Le fait ensuite de centrer tout le film dans un tel parrallèle intense entre graité et dérision c'est prendre le spectacteur vraiment à contre-pied, c'est à la fois déconcertant, intriguant puis agréable quant au point de vue adopté.

Ford a toujours usé de l'humour dans sa filmographie et d'une certaine dérision dans ses personnages, chose qui lui a souvent été reproché par la critique et élément clé dans le fait que Ford n'ait jamais été pris au sérieux par ses contemporains, ces quelques instants toujours bien placés été souvent considérés de trop par la critique qui ne devait pas le considérer pleinement comme un réalisateur " du sérieux " face à d'autres grands et donc ne lui a jamais rendu l'hommage qu'il méritait. J'avais déjà trouvé qu'il y allait fort pour Liberty Valance mais il y avait vraiment là de quoi contrebalancer ...

Là-dessus planter une amitié fondée sommes toutes sur deux personnalités placées aux antipodes l'une de l'autre décrites toujours sur un ton très léger, c'est totalement inattendu et c'est prendre quand même de gros risques. Presque du début à la fin ( je dis presque car considérant certains éléments placés à des endroits clé de la réalisation je ne peux me permettre de généraliser ), Ford semble avoir perdu ses illusions sur un monde gouverné par l'appât du gain et l'immoralité, par l'Amérique même !

Parler de rédemption pour McCabe me paraît trop fort, il se rend juste compte qu'il a tout intérêt pour gagner une certaine qualité de vie, "plus morale " à quitter sa ville ( mais aussi son existence passée ) et tout ce qu'elle comporte à la fin du récit ( qui peut-être également moins ennuyeuse pour un homme de l'ouest ), on a parlé de désanchantement chez Ford ? Certainement vu tous les changements apportés dans les "clichés Fordiens" et dépeints tout au long du film. Rien que la fin où l'on voit que l'aculturation sur le jeune "faux-Wringle" prend le dessus sur un hypothétique " retour à la civilisation " jusqu'à tuer celle qui se montrait naivement généreuse avec lui, le jeune homme sera au final lynché non sans un grand plaisir par la foule qui réclamait pourtant qu'on lui ramène ses enfants, quitte à les voir revenir dans l'état où les décrivait McCabe ( lequel s'étant révélé fortement réaliste ! ). Mais la fin ne me parait pas complétement pessimiste non plus, un peu comme à la fin de The searchers, la porte reste ouverte, McCabe s'en va construire une nouvelle vie avec la senorita, pour existence qui lui sera probablement plus "morale" vue l'exprérience enrichissante ( d'une certaine manière ) qu'il vient de vivre. Un retour définitif chez les blancs, avec McCabe, pour la Senorita semble possible même si la vie lui sera toujours difficile et même si, à la manière de Ethan, en tournant le dos au passé McCabe sera confronté à nouveau à son désert ...
" Leboeuf j'te conseille de pas te trouver sur ma route ou tu t'rendras compte que j'suis pas encore fini et que j'ai encore une bonne dose de dynamite dans les poings !"
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Vin
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Vin »

J'aime bien le lien que tu fais entre les deux.
Toutefois, j'ai le sentiment que Wayne repart dans le néant dans "La prisonnière" alors que Stewart part dans une nouvelle vie, plus "morale" que l'ancienne, dans les deux cavaliers.
Interrogé une fois sur son charisme auprès des maéricains, Stewart reconnaissait sans fausse pudeur qu'il incarnait l'américain moyen, clairement.
Il ajoutait toutefois que l'américain moyen, lorsqu'il s'endormait, rêvait plutôt d'être John Wayne.
:gun:

Il est clair que ce film dérange, sans doute parce que Ford nous habituait à un souffle absent ici.
De la même manière, dans "Liberty Valance", finalement, le héros fait carrière sur un mensonge, certes qu'il ignore longtemps.

Les héros commençaient à être fatigués.

Pour ma part, ce néo-réalisme américain commençait à ouvrir la voie aux westerns italiens.
Après tout, qu'est-ce qu'un gamin en avait à faire des états d'âme des héros (et des réalisateurs) à cette époque charnière.
Les années 60 sont là, le temps des certitudes s'efface pour les américains, et même si Kennedy apporte un souffle pour certain d'entre eux, ils quittent pour longtemps le paradis perdu.
Fini pour un temps.. Le théâtre italien s'annonce, tout doucement, pas encore,et va faire rêver les gosses.


C'est le western qui est touché en premier, car culturellement connoté typiquement américain.
Mais le film de guerre va subir le même sort, le Vietnam passera par là aussi.


Ce cinéma de certitudes, celui où le héros est bon ou mauvais, le film binaire, ce cinéma là ne renaîtra que beaucoup plus tard pour les américains, et pas dans le western.
Même si j'adore "Impitoyable", on reste dans la même veine, celle du réalisme poussé à l'extrême.
Celà ne fait pas rêver.


Il est d'ailleurs amusant de constater que les italiens, rois (avec le français) du cinéma réaliste, ont tout compris pour ceux issus de la traversée de l'Atlantique.
Les réalisateurs italo-américains, et les acteurs (en vrac, Scorcese, Tarantino, Coppola, Cimino, Pacino, Cage, De Niro, Travolta, etc...) réinventent et magnifient le quotidien.
Les truands ne sont pas dans la vie superbes comme dans "Le Parrain", la mort n'est pas un éclat de rire comme dans "Pulp Fiction", et la liste est longue.
Mais ils font rêver.


Mince, j'ai totalement débordé, mais tant pis, j'assume! :oops:
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Pike BISHOP »

Oui, tu débordes un poil avec Tarentino et son cinoche d'esbrouffe......
Ford est loin de là, avec sans arrêt chez lui, une duallité entre le conservateur
et le progressiste... Le tenant des valeurs et celui qui les conteste le plus fort...
J'adore le personnage de Mc CABE et je trouve bien fade (pour une fois) le Jim GARRY de Widmark...
Plus un problème de crédibilité sur leurs âges, ça passe pour Stewart, mal pour le compère...
Je ne suis pas loin de penser que Mc CABE, c'est le WYATT EARP de "My Darling Clementine"
qui a pris de la bouteille, qui en a vu des vertes et des pas mûres et qui s'est blindé !!!!
Ne pas oublier que Earp touchait aussi de grosses commissions et que quelques tripots
lui appartenaient..
Je retrouve dans la dégaine tranquille du début du film, quelques plans de Fonda traînassant
sous la véranda de l'hôtel, houspillant Chihuahua et shérif "bon enfant"....
Le fait que les jumeaux "gamblers" qui descendent de la diligence baissent le ton dès qu'ils
entendent son nom, fait comprendre qu'il a du fusiller dans plusieurs "OK Corrals"...
C'est un homme rompu et béat, cynique et qui ne se départit pas d'un bon humour...
Il est comme un chat assoupi, mais qui peut toujours se montrer efficace...
Tellement assoupi dans son cynisme et sa vie assise, son mépris d'une certaine humanité
que l'expédition pour laquelle il traîne fortement des bottes pour y participer (et avec des
exigences financières) va le déstabiliser et par le biais de l'amour faire resurgir sa profonde
humanité, bien masquée jusqu'alors....
J'adore aussi la décontraction du début, la caricature du sergent POSEY (homme qui se contente
de peu.... 8 BIERES !!!)C'est ce que sont devenus les précédents sergents trop hydratés...
La fameuse scène de dialogue au bord de l'eau (nous y reviendrons) les rapports venimeux et
affectueux de Mc CABE avec Mc INTIRE et son épouse (tout un back ground en 2 mots et 2 attitudes)
Là, ou ça commence à se gâter, c'est avec l'ingénue et les frères débiles CURTIS et CARREY..
Les scènes de bagarre à la Mack Sennett (Pauvre Widmark)...
Enfin n'allons pas si loin.. On en viendra après à la vision des indiens et des pionniers...
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par musselshell »

Moi aussi j'adore toute la première partie, du gamin qui sonne les cloches à, disons, le célèbre plan séquence des deux loustics assis au bord de la rivière. C'est poetique, tout çà, on sent l'Ouest américain au plus proche, des gens et le temps qui passe. Stewart sous la véranda de l'hôtel de Miss Aragon, bien sûr que c'est le Fonda de My Darling Clementine...au point où Ford remet çà 3 ans plus tard à Dodge City dans Cheyenne Autumn. Le baillement, lui aussi célèbre, ce baillement...Stewart raconte qu'il était assis là, pour ainsi dire sans direction aucune...et qu'il a baillé. Vrai ou faux...on souhaite que ce soit vrai! Vous êtes dur avec ce pauvre sergent Posey, à qui Mc Cabe demande s'il n'aurait pas pris un peu de poids...le personnage (Widmark:"here comes another man of simple wants"...Stewart: "eight beers...") ne démérite pas face à Mc Laglen. Simplement, il est dans un autre film...Et le ton, ici, n'est plus celui de la trilogie sur la cavalerie. La bedaine d'Andy Devine, le dégingandé courbatu de Stewart...la rivière et les chevaux qui boivent...Je trouve ça superbe.
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Vin
Texas ranger
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Enregistré le : 27 juil. 2008 2:44
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Re: Les deux cavaliers - Two rode together - 1961 - John Ford

Message par Vin »

Morceau extrait du dialogue de la rivière:

JS- Depuis peu elle m'appelle "Guth", j'ai 'abord cru qu'elle avait quelque chose de coincé entre les dents mais ça venait de plus loin. Elle a parlé mariage.
RD- Non ! C'est affreux, mariage ! (...).
JS- Elle porte un poignard dans la jarretière.
RD- Je sais.
JS- Comment le sais-tu ?
RD- Tu viens de me le dire. (...)
JS- Elle s'y est prise en me demandant pourquoi je me contentais de 10 % de ses revenus alors qu'elle m'en offrait la moitié. Je touche 10 % de tout à Tascosa.
RD- Quel escroc !
JS- Ca fait partie du boulot de marshal. Je ne peux pas vivre avec la paie d'un marshal : 100 dollars par mois.
RD- C'est 20 de plus que moi.
JS- Je sais mais bon regarde-toi ! Tu te satisfais de peu. Moi, je suis un peu plus exigeant.
RD- Foutaises !
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