La horde sauvage - The Wild Bunch - 1969 - Sam Peckinpah

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musselshell
Castor éclopé
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Message par musselshell »

Vixare a écrit :Bon, vu que j'ai le temps et que la fatigue ne me torture pas encore, j'apporte ma touche à un autre sujet de la dissection, la place de la femme chez Peckinpah, j'ai lu dans les précédents messages (je ne sais plus de qui), que la vision de Peckinpah se divisait en 3 catégories : la jeune fille, la mère militante et presque "grenouille de bénitier" comme on dit dans le nord :mrgreen: et enfin la pute. J'adhère totalement à cette division dans le film, partagée aussi par les personnages, sauf à un moment et si on me rétorque que mon analyse est tirée par les cheveux je serai tout à fait d'accord :mrgreen:

J'ai donc vu une exception dans le film, une exception où la femme n'est pas traitée comme objet sexuel, rabaissée ... C'est au tout début du film, Pike et ses hommes entrent dans San Rafael avec l'uniforme de l'armée, ils attachent les chevaux laissant Ben Johnson seul derrière, Pike prend la tête de ses hommes se dirigeant vers la banque et là il "tamponne" une dame involontairement tout de suite fait le geste de s'excuser, charge Dutch de ses emplettes et lui tend le bras faisant un bout de marche jusqu'à la banque, le sourire aux lèvres avant de la laisser poursuivre seule son chemin lorsque la horde entre dans la banque. C'est la seule femme du film que l'on ne peut pas vraiment classer, elle n'est ni pute, pas forcément mère, a passé les 30 ans à coup sûret ne participe pas à la manifesation. C'est le seul type femme pour laquelle Peckinpah semble s'intéresser, alors ironie de la situation ou réel attrait pour ce type de femme ? Rare ayant gardé un semblant de vertu et quelques bonnes manières inspirant le respect, même celui de Pike et de ses hommes, d'ailleurs Peckinpah marque le moment avec un petit "changement musical" ...
Comme pour la place de l'enfant en société, Peckinpah a une vision très noire de la femme, l'image de la femme c'est traditionnellement celle de la pacification, "un peu de tendresse dans un monde de brutes". Or Peckinpah semble passer son temps à tenter de prouver le contraire, on voit dans un nombre incalculable de fois la présence de fille de joie, de bordels et dedans, surtout des jeunes femmes ! Là encore, quelle vision noire de l'avenir, Peckinpah semble faire un schéma du parcours de la vie d'une femme bien qu'exagéré et beaucoup trop conventionnel du machisme : 1) jeunes filles, presque des enfants ; 2) entre 16-30 ans : femmes de joies, toutes les prostituées du film ou presque paraissent avoir cet âge; 3) "L'assagissement", un genre de rédemption autour de la religion avec pour exemple le plus parlant la scène d'entrée avec les ligues contre l'alcool. Ainsi serait le lot des femmes, le statut évoluant avec parfois une passerelle entre catégorie, par exemple la dernière femme de Pike est jeune maman, son bébé est à quelques mètres du lit où Bishop lui-même s'est exécuté dans la maison de passe.
Dans une autre séquence, lors de la scène de fin, alors que la fusillade fait rage et que Lyle est à la mitrailleuse on voit Pike pénétrer dans une pièce où il n'y a apparemment qu'une femme, Pike la met en joue puis on dirait qu'il y a un instant de réflexion, il lui laisse la vie sauve comme pour la pardonner de sa nature féminine dans l'étape 2, finalement il l'épargne et tue un soldat caché derrière un miroir dérobé mais la remet en joue sans tirer ! Il se retourne finalement vers la mitrailleuse où Lyle est touché alors il reçoit une bale dans le dos par la fille, il se retourne et tire dessus en criant : "sale putin", regrettant de lui avoir tourner le dos il aurait dû la liquider avec le soldat, lui laisser la vie sauve ne lui aura servit qu'à se prendre une balle dans la peau ... comme un symbole du message de Peckinpah : ne jamais tourner le dos à une femme toujours la garder sous tutelle comme pour la protéger d'elle-même et de soi-même. Vision là aussi très noire et très réductrice. De la même manière lorsque Angel tue sa fiancée, on a pas l'impression que Pike condamne l'acte du jeune Mexicain lors de sa réaction mais plutôt qu'il cherche déjà à comment le sortir du guêpier dans lequel il vient de fourrer toute la horde en tirant sur la maîtresse de Mapache qui était sur les propres genoux du général !

Une démarche du même genre avait déjà été entreprise par Peckinpah dans Major Dundee mais comparée à la manière dont elle est développé dans La Horde sauvage, elle n'en était en 1964 qu'au stade embryonnaire.

Voilà pour ce qui en est de mon interprétation sur les femmes dans le film, j'espère là encore que vous n'êtes pas tombé de la chaise. :gun:

Je ne sais pas si ce que je dis a une valeur quelconque mais à en parler ici et à revoir le film sous de nouveaux angles, je trouve l'oeuvre de Peckinpah de plus en plus intéressante quoiqu'à consommer au second degré :mrgreen:
Je repasserai demain car j’ai déjà en tête quelques sujets non abordés …
Et bien voilà!!! +1 pour tout! :applaudis_6:
Jean-Louis
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Message par Jean-Louis »

Vixare, effectivement tes réflexions à propos des enfants et celles du rôle des femmes sont très justes.

Je voudrais juste dire que la femme qui est bousculée au moment de l'arrivée aux bureaux de la Cie de Chemin de fer a pour
but de créer un contraste encore plus saisissant entre leur apparente civilité (en réalité ils ont le sang froid de jouer un rôle) et leur absence complète de scrupules lors de l'attaque.
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musselshell
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Message par musselshell »

Encore une couche? OK :mrgreen:
La violence et la mort sont les thèmes de prédilection de Sam Peckinpah. La violence au sens le plus large, ce qui veut dire la loi du plus fort, la fascination-répulsion qu’elle exerce, mais aussi l’emprise du pouvoir, au sens le plus politique du terme. La mort, en fait la grande affaire, est aussi celle que l’on se donne, réellement ( Richard Harris dans Major Dundee, les membres de la horde…) et symboliquement, en renonçant à soi même, à un code, à une règle intérieure, une éthique, appelons ça comme on veut…Randolph Scott évite cette mort là en revenant vers Joel Mc Crea dans Coups de Feux dans la Sierra, Robert Ryan la traîne en lui, mais c’est William Holden le plus coupable, sa mort-rachat prenant le dessus sur les misères induites par sa traque forcée chez son ancien acolyte… James Coburn n’y échappera pas dans Pat Garrett and Billy the Kid.
Le western, quand on est la proie de telles obsessions, est le cadre rêvé. Encore convient-il, pour traduire le drame et l’inscrire dans son temps (et le dépasser ), de secouer le genre, d’en torturer les codes, d’apporter, formellement et dans le fond, du nouveau…Le Grand Œuvre est à ce prix : harmonie totale entre fond et forme, objet unique détonateur d’un tout. Le tout étant une vision. De ce point de vue, ce chef d’œuvre qu’est La Horde Sauvage ne franchit pas l’étape ultime. Elle le sera par contre pleinement dans Pat Garrett et Billy the Kid. La mort des héros, dans La Horde Sauvage, relève non seulement de la rédemption, mais catapulte dans l’apocalyptique la figure de l’homme de l’ouest dépassé par son temps. En un mot, c’est un véritable last-stand dont la dimension innovante réside essentiellement dans un paroxysme formel, surtout pas dans la « décélébration » du mythe, bien au contraire... Même si en 1969, le western n’avait jamais proposé ça…Tout au long du film, la dimension innovante est surtout prégnante dans les scènes de combat (ralentis, angles multiples, etc…). Les périodes intermédiaires, portraits et motivations, creusent moins le cœur de la thématique de Peckinpah, en collant plus traditionnellement aux motifs du western (les hommes sont les hommes, les femmes réceptacles du repos du guerrier, l’alcool coule à flot…). L’image, les extérieurs sont somptueux : jaunes, ocres et bleus du désert, luxuriance du village d’Angel…Surtout…les morts sont des carnages quasi collectifs, et interpellent avant tout via leur macabre somptuosité graphique…
Quatre ans plus tard, Peckinpah va au bout de ses démons : chaque mort est individuelle, relève (comme c’est le cas dans la vie) de l’indicible. Et il n’y a AUCUNE échappatoire, pas même dans une quelconque rédemption héroïque, puisqu’elle n’aurait de toutes façons nulle part où s’exercer. Car le personnage central, cette fois-ci, n’est plus l’outlaw pouvant se payer une fin grandiose et héroïque, mais l’homme condamné à accepter le monde tel qu’il devient, condamné à vivre la contradiction jusqu’au bout. En un mot, le héros n’est plus Pike, mais Thornton, Thornton , peut-être le personnage le plus riche, le plus complexe, le plus « adulte » du film de Peckinpah, coincé de partout, condamné à vivre…En déplacant les projecteurs sur celui qui est contraint à la traque (d’un ami, toujours) plutôt que sur le traqué (héros obligatoirement plus libre, donc plus traditionnel ), Sam Peckinpah va nous offrir son film le plus crépusculaire…son MWSLV…
Il n’y a pas de rires à la fin de Pat Garrett and Billy the Kid, ces rires qui renvoient le spectateur à la croyance en un « bon vieux temps ». James Coburn tue sa propre image dans un miroir après avoir abattu Kristoffersen (scène renvoyant à Pike tirant dans une glace à Agua Verde). L’image est toujours volontairement dépourvue de splendeur. Le film de tout romantisme (alors qu’il reste paradoxalement glorieux dans the Wild Bunch). Et s’il meurt, abattu de loin comme un lapin, 28 ans après son suicide symbolique, le film s’ouvre et se termine sur sa propre mort. Les deux films ne se concoivent pas l’un sans l’autre, il fallait the Wild Bunch pour s’accomplir (s’achever) dans Pat Garrett and Billy the Kid…
J’adore les deux, cela va sans dire. :gun:
Modifié en dernier par musselshell le 05 mars 2007 18:13, modifié 2 fois.
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Daniel
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Message par Daniel »

Musselshell, je suis toujours renversé par tes textes recherchés et très analytiques. :applaudis_6: J'ai bien l'impression que je ne regarderai plus jamais La horde sauvage comme avant de t'avoir lu. Merci beaucoup de pouvoir mettre en lumière la grande oeuvre de Sam Peckinpah.
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Lone Star
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Message par Lone Star »

mortimer a écrit :mais dans la horde sauvage aussi, il y a une certaine humanité, un certain "rappel à l'ordre" pour reprendre ton expression lors de la discussion finale entre Borgnine et Holden il y a le fameux :"on est pas comme ça ! " donc tout de même une certaine limite n'est pas franchie par la horde :wink:
Certes, mais le "rappel à l'ordre" est suivi d'effet, les gars accédant à la demande de Marilyn. Dans la Horde, les personnages n'échappent pas leur destin d'une rédemption violente, même au tout début de la fusillade finale, au moment où les choses auraient pu en rester là, ils font tout basculer dans une tuerie générale.
Vixare a écrit :à en parler ici et à revoir le film sous de nouveaux angles, je trouve l'oeuvre de Peckinpah de plus en plus intéressante quoiqu'à consommer au second degré :mrgreen:
Intéressant que tu parles de second degré. La Horde Sauvage est un de ces films où le fond est, à mon sens, parfois desservi par la forme. Je ne parle pas de la succession de nombreux gros plans sur les visages qui a tant désolé Jean-Pierre Melville en 1972 ou des litres de faux sang qui giclent généreusement, mais plutôt de ce qu'il y a entre les 2 fusillades du début et de la fin. La noirceur la plus insupportable n'est finalement pas celle qui explose dans les tueries, mais celle dans laquelle baigne le film entre les deux, même dans des scènes plus anodines. J'aurais cependant bien du mal à citer des exemples précis, ayant revu le film il y a quelque semaines, mes souvenirs se sont quelque peu estompés, mais l'impression générale subsiste.
A ce propos, je me demande comment les Mexicains ont reçu ce film, les réactions à la sortie de Vera Cruz ayant été violentes (ou alors l'image donnée d'eux y était pire encore ? pas vu ce film depuis très longtemps).
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Message par Jean-Louis »

:D Lone Star tout à fait d'accord avec toi, il y a par exemple la scène où
Pike casse la sangle de l'étrier, tombe dans la poussière, subit les railleries des frangins, dans un effort extraordinaire de prise sur soi (je suis admiratif qu'on puisse le faire :wink: ) il remonte à cheval et part sans se retourner, séquence d'une très grande force.
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musselshell
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Message par musselshell »

Lone Star a écrit
Certes, mais le "rappel à l'ordre" est suivi d'effet, les gars accédant à la demande de Marilyn. Dans la Horde, les personnages n'échappent pas leur destin d'une rédemption violente, même au tout début de la fusillade finale, au moment où les choses auraient pu en rester là, ils font tout basculer dans une tuerie générale.
Les choses ne pouvaient objectivement pas en rester là...Général tué, seuls contre...combien? Pas d'autre choix (et le silence, le ricanement nerveux de Borgnine, toute cette troupe alentour le montre bien...)...Dans ce contexte, les gars n'ont d'autre choix qu'aller au bout. Ce qui est le projet. Ils sortent Angel? On arrête là. On le massacre devant eux? Alors on va au bout. Plus sérieusement: l'hésitation entre Mapache trucidé et le carnage qui suit ne relève pas de ..."on s'en va maintenant?"...mais de la réalisation nerveuse que tout est joué, qu'il FAUT aller au bout...et ils ne sont que quatre. Après, miracle de mise en scène...puisqu'on va jusqu'à (presque?) y croire.
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Message par fa »

Peckinpah a fait ce film par révolte. Il voulait rompre une bonne fois pour toute avec la mythologie traditionnelle du héros de l’ouest, romantique… Tel que John Ford ou Howard Hawks l’ont imposé. Loin de la réalité historique… Bref il voulait faire un western pour en finir avec le western…Et de fait il nous présente d’abord ses personnages comme des brutes, des bandits, des fous sanguinaires…Et pourtant le final nous dresse un tout autre portrait en faisant entrer ses « héros » dans la légende au travers d’un combat épique et sacrificiel. Une légende symbolisé par le rappel final des images hilares des personnages… Paradoxe ?
En vérité Peckinpah ne veut pas casser le western classique en en détruisant le héros traditionnel, mais plutôt d’une façon plus subtile, en soulignant que ce dernier est un personnage qui n’a pas existé en nous montrant les « vrais héros ». Il impose déjà une volonté de confronter les personnages, leur image, et de fait, le temps qui passe et qui déforme les images. Ainsi les héros de La Horde Sauvage son constamment confronté au temps qui passe. Ils sont étonné en découvrant la voiture de Mapache ; le train, pour d’autres symbole de marche en avant, est ici symbole de guerre; et ils doivent affronter le monde nouveau avec des armes qui ne sont pas celles du western fordien… Pas de colt ni de winchester ici (ou si peu mis en valeur), mais des mitrailleuses et des fusils à pompe… On est dans un monde ou l’on tue les femmes, et ou ces dernières tuent les héros dans le dos… Ford est loin.
Symboliquement le film est une progression qui nous montre les personnages que se débarrasse de leur vie passée : Un d’entre eux les a abandonné pour tenter, difficilement, de s’intégrer au nouveau monde (Robert Ryan) ; et au fur et à mesure de leurs fuites en avant pour lui échapper, comme s’ils voulaient fuir l’évolution, ils vont tenter de changer de vie, symboliquement d’abord en enlevant leur « costume de scène » (les uniformes) pour finir dans une bataille qui n’a rien d’un western, avec des armes nouvelles et sans chevaux… Pike (William Holden) en vérité est un raté qui accumule les scène en oppositions aux règles fordiennes : bandit, tueur, il est incapable de protéger celle qu’il aimait ; il se débarrasse de ses complices blessés et refuse de les aider comme l’aurait fait peut-être un John Wayne. Et ce qui est fabuleux c’est qu’au travers de ses personnages, Pike en particulier, véritable moteur de la Horde, il pousse le spectateur américain en particulier à comprendre que l’Ouest légendaire n’est qu’une vaste fumisterie… Il le montre à travers ses héros qui n’ont rien de romantiques et surtout à travers le fait que c’est eux même qui en prennent conscience. On est là en pleine « interactivité ». Pike et les siens sont encore plus vrais que les autres héros de westerns classiques, puisqu’ils prennent conscience de ce qu’ils sont vraiment : des ratés, des ordures, incapables d’affronter le temps qui passe et de devenir enfin quelqu’un (Ryan y parvient mais au prix de son identité… Lui est un héros devenu Fordien)… Et lorsque cette prise de conscience est faites, alors les paroles ne sont plus nécessaires, seul un ‘Let’s Go’ suffit… Il est temps pour eux d’entrer vraiment dans la légende. Le moment où Holden, Borgnine, Johnson et Oates, acceptent enfin leur nature est un grand moment de cinéma. Celui où le mythe westernien classique s’effondre face à l’affirmation par Peckinpah que ses personnages à lui, plus pourris, moins bons, moins beaux, sont en vérité plus vrais. Ils les fait pourtant entrer dans la légende eux aussi, mais une légende qui elle n’est pas artificielle puisque née d’un monde où des enfants pas si innocents bien que symboles d’avenir, jouent à provoquer la mort de scorpion sous une armées de fourmis et dans le feux, image d’ouverture du film qui est finalement celle de la fin. Pike et les siens sont ces scorpions tués par jeux par un monde en devenir.
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Message par Vixare »

Je voudrais juste dire que la femme qui est bousculée au moment de l'arrivée aux bureaux de la Cie de Chemin de fer a pour
but de créer un contraste encore plus saisissant entre leur apparente civilité (en réalité ils ont le sang froid de jouer un rôle) et leur absence complète de scrupules lors de l'attaque.
J-L tu dois avoir raison là, le changement de musique justifie pleinement ton idée de paradoxe entre les différentes attitudes de la horde.

Fa, tu parle beaucoup des relations entre nos 4 "héros", mais je ne crois pas que dans leur âme ils se sentent vraiment "héros" mais plutôt désabusés, comme tu le dis ils sont tous des "héros ratés", ils vivent hors de leur temps mais tous ont su garder le sens de certaines valeurs de l'ouest traditionnel comme l’honneur celui-là même qui causera leur perte collective, cet ouest qui a tellement changé a néanmoins conservé chez eux ses caractères sacrés, presque traditionnels, ils vivent réellement en dehors de leur époque, tout a évolué trop vite pour eux, je trouve la discussion entre les 5 membres de la horde totalement renversante autour de la voiture de Mapache : déjà Dutch ouvre la conversion par : "Bon Dieu qu'est ce que c'est que ça ?", ensuite on parle de la manière de faire marcher l'engin avant que Slykes ne reprenne par : " On raconte que dans le nord ils ont une de ces machines qui peut voler", Tector réplique alors : "Il ne s'agissait que d'un ballon pauvre vieil abruti" avant que Pike ne justifie les propos du "grand-père" par des renseignements un peu flous. On note là 2 mouvements, ceux qui ont essayé d'évoluer avec Pike et Slykes, mais qui visiblement n'y sont pas arrivés vu la situation dans laquelle ils sont, Thornton disait d'eux qu'ils étaient les plus dangereux et par extension probablement les plus malins alors que dans le second temps Dutch et les 2 frères semblent totalement dépassés, ils vivent encore totalement dans le passé sans espoir de progrès si ce n'est à propos des armes où là que ce soit au maniement de la mitrailleuse ou du fusil à pompe ils possèdent un avantage énorme sur Mapache et ses hommes, concernant la soif du sang et de ses instruments ils sont à la page. Seul bémol c'est Angel, je pense qu'on a pas beaucoup parlé de lui jusque là, or il est toujours un peu à l'écart on dirait qu'il cherche un peu à se séparer du reste de la horde, exemple parlant lorsque après la fuite de San rafael Pike abat un de ses hommes agonisant, Angel n'hésite pas à le traiter de "salop" quand à un éventuel hommage au défunt, lequel est refusé par Pike puis par Dutch. A nouveau lors de "l'examen" de la voiture Angel se met à l'écart comme si cela ne l'intéresse pas, le jeune Mexicain vit dans sa conception pour la révolution il est peut-être un jeune idéaliste. Pike se reconnaît probablement en lui tout comme les autres par la suite et c'est probablement l'un des éléments qui font partir les 4 hommes à la fin du film, Angel c'est comme Pike, Lyle, Tector et Dutch quand ils étaient plus jeunes, pas froid aux yeux, rapide, qui sait joué des armes mais qui n'a pas encore eu le "plaisir" d'être désabusé par ses expériences. Angel croit en la révolution au Mexique comme Pike et les autres ont si longtemps cru à leur liberté de hors-la -loi aux Etats-Unis, or la vie de l'autre côté du Rio Grande se fait dure, les coups foirent presque à chaque fois et pour finir Pike et sa bande servent de gibier à un de leurs anciens compagnons, poussés jusqu’au Mexique. Angel est pour la première fois déçu « au milieu » du film, par sa fiancée, cela se finira par le meurtre de la fille, impulsif comme l’étaient probablement les autres membres de la Horde, il n’a pas pu laisser son honneur être bafoué, chose vite comprise par les autres qui ont tout de suite pris sa défense. Angel entretient des rapports pour le moins étrange avec la Horde, c’est un membre à part entière puisque c’est pour lui que les autres se sacrifient dans un torrent de violence final mais il n’a pas l’air d’avoir les mêmes sentiments envers les autres. Tout du moins au début, après le braquage il y a dispute entre Angel et les frères Gorch or le jeune Mexicain sort son arme prêt à tirer sur Johnson et Oates sans hésitation … Autre preuve, Angel renonce à sa part sur l’or pour procurer une caisse de fusils à son peuple, il renonce à « ce gros tas d’or » comme le dit Pike, Angel se fait un peu le moraliste de la bande « procureriez vous des armes pour faire tuer vos frères, vos sœurs, vos pères et vos mères ? », à cela Pike répond par : « un si gros tas d’or ça coupe bien des liens familiaux », le leader de la horde semble la aussi avoir été désabusé, prêt à vendre père et mère pour de l’or car dans sa vision la seule famille qu’il possède c’est la Horde, la Horde dont il est capable d’abattre froidement un des gars ou d’en laisser un autre aux mains de l’ennemi comme il laisse Slykes aux mains de Thornton alors qu’il se donne la mort avec les derniers survivants de sa bande, Pike c’est réellement l’archétype des derniers hors-la-loi et comme on l’a fait pour les femmes je crois qu’il est possible de faire un schéma de la vie des derniers hors-la-loi, d’abord l’étape 1 illustrée par Angel, la fougue de la jeunesse avant l’étape 2 avec Pike illustrée par la déception de l’âge soi-disant dédié à la sagesse. Or dans tous les cas l’issue est la même, Angel est victime de sa bonté vu qu’il meurt à cause de sa bonne action pour les siens alors que dans l’autre temps, Pike mène ses hommes vers la même issue, victime de sa bonté pour Angel, une bonté presque imposée par un certain code de l’honneur preuve que 1-2 des principaux stéréotypes classiques du western sont encore présents et relayés par Peckinpah lors de ce sursaut d’orgueil ! Peckinpah n’a pas tout jeté du passé mais a cherché à adapter à la réalité les mythes Fordiens et compères …
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Message par fa »

Je parle de Héros au sens personnage principal, pas au sens Superman :wink:
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musselshell
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Message par musselshell »

Fa a écrit
Pike et les siens sont encore plus vrais que les autres héros de westerns classiques, puisqu’ils prennent conscience de ce qu’ils sont vraiment : des ratés, des ordures, incapables d’affronter le temps qui passe et de devenir enfin quelqu’un (Ryan y parvient mais au prix de son identité… Lui est un héros devenu Fordien)…
Salut Fa...petite chose: je ne dirais pas que Deke Thornton-Robert Ryan "parvienne à devenir un héros fordien". Je pense d'ailleurs qu'il n'y en a aucun dans le film, des références à certaines figures fordiennes oui, mais soit volontairement totalement distordues, soit subtilement "poussées plus loin" quand il s'agit d'icônes que Ford avait commencé à déboulonner.A titre d'exemple, Wainscoat, détenteur et du pouvoir séculier et du pouvoir religieux à San Rafael est une belle figure fordienne pervertie: il est radicalement incompétent dans tous les domaines. En tant que maire de San Rafael, il ne sait rien de ce qui se trame (les tireurs embusqués sur les toits), en tant que révérend, il mène directement ses ouailles au coeur du carnage, quitte à piquer une crise de nerfs ensuite (du genre "pourquoi est-ce qu'on me dit rien?!")...on songe aux propres limites de Clayton-Ward Bond dans the Searchers, mais tout va beaucoup plus loin dans la dérision, dans le portrait d'une macabre incompétence.
Pour en revenir à Thornton, sa marge de manoeuvre est trop réduite pour qu'il puisse hisser sa "persona" au dessus des contingences, c'est un homme cerné, enchaîné par ce qu'impose le monde en marche. Il n'a d'ailleurs aucune prise sur les évènements. Le héros Fordien, même quand il est lui même aliéné (on songe évidemment à Wayne dans the Searchers), s'élève au dessus des contingences, accompagne la marche de la collectivité, y compris quand ses motivations réelles sont ailleurs (Ethan Edwards, Tom Doniphon, Guthrie Mc Cabe...). Robert Ryan, dans the Wild Bunch, est un traqueur traqué, un homme condamné à s'adapter ou à perdre tout ce qui lui reste (sa liberté, voire son intégrité physique et psychologique...)...Il y a quelque chose de "conradien" chez Thornton, un homme écrasé, à l'extérieur comme à l'intérieur. Il n'aura pas droit à l'héroisme, aussi parce qu'il a compris que le pouvoir était ailleurs, et qu'on ne saurait l'affronter sans nihilisme...Son "re-départ" avec Sykes et les révolutionnaires après Agua Verde laisse lui aussi bien peu de place à la référence Fordienne...
Mais le personnage est fascinant (aussi parce que Robert Ryan, à l'économie, semble l'endosser au plus profond)...Comme je l'ai dit plus haut, Peckinpah construira l'absolu crépuscule de Pat Garrett autour d'un autre Deke Thornton...
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Message par fa »

Oui je suis d'accord avec toi. J'aurais du dire qu'il souhaites devenir Fordien, ce n'est pas pour autant qu'il l'est... Ou même, Fordien peut-être (il a finalement des point communs avec des personnages plus sombres de certains westerns classique), mais pas vraiment Waynien, icone du western classique symbole de l'Amérique...

Et effectivement, Pat Garret et Billy the kid, western plus sombre que la horde sauvage, sera l'aboutissement de Peckinpah dans son opposition aux westerns classiques. Poussant à l'extrême les caractères montrés dans la Horde sauvage...
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Lone Star
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Message par Lone Star »

musselshell a écrit :Plus sérieusement: l'hésitation entre Mapache trucidé et le carnage qui suit ne relève pas de ..."on s'en va maintenant?"...mais de la réalisation nerveuse que tout est joué, qu'il FAUT aller au bout...et ils ne sont que quatre. Après, miracle de mise en scène...puisqu'on va jusqu'à (presque?) y croire.
C'est sûr que la suite est inévitable. Rétrospectivement, le moment d'hésitation (pas que des gars de la Horde, mais aussi des militaires) n'en est que plus vertigineux, comme si le temps s'arrêtait l'espace d'un instant. Et c'est à mon sens le moment le plus fort du climax final, plus réel que le bain de sang qui suit et qui est tellement réaliste qu'il en devient impossible à prendre au premier degré ou de façon littérale.
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Lone Star a écrit :
musselshell a écrit :Plus sérieusement: l'hésitation entre Mapache trucidé et le carnage qui suit ne relève pas de ..."on s'en va maintenant?"...mais de la réalisation nerveuse que tout est joué, qu'il FAUT aller au bout...et ils ne sont que quatre. Après, miracle de mise en scène...puisqu'on va jusqu'à (presque?) y croire.
C'est sûr que la suite est inévitable. Rétrospectivement, le moment d'hésitation (pas que des gars de la Horde, mais aussi des militaires) n'en est que plus vertigineux, comme si le temps s'arrêtait l'espace d'un instant. Et c'est à mon sens le moment le plus fort du climax final, plus réel que le bain de sang qui suit et qui est tellement réaliste qu'il en devient impossible à prendre au premier degré ou de façon littérale.
C'est exactement ça! :applaudis_6:
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Message par Vixare »

Bon allez, je suis en forme ce soir alors je reprend du service :mrgreen:, alors on a parlé de la position de Peckinpah sur les femmes et les enfants notamment à travers Le horde sauvage. Musselshell a semblé aborder le sujet de la religion, je vais essayer de le développer un peu car ce film est en plus un réel pamphlet contre le christianisme et ses représentants.

Tout d'abord, je reprend les premières scènes du film, on voit un pasteur sermonner ses "grenouilles de bénitier" comme je les appelle, avec des promesses assez bidons sur l'alcool, je crois que Peckinpah cherche ici à montrer le coté grotesque des rites religieux qui s'étalent sur d'autres terrains là aussi marécageux comme la gestion des ligues contre l'alcoolisme, Peckinpah souligne donc les abus de la religion mais aussi les effets quelques peu « discriminatoires », les femmes mises en question marchent devant le défilé, les enfants comme « embrigadés » dans le cortège c’est peut-être la aussi le message du réalisateur. Puis on a donc le défilé qui suit emmené par les cantiques religieux relayés par tout un orchestre, lequel cortège descend la rue principale de la ville sans savoir ce qui se trame dans la banque. Je passe l’épisode du carnage pour me concentrer sur celui où l’on constate les dégâts, les mercenaires sont descendus des toits et de disputent les corps des tués pour savoir qui a tué qui. Parmi eux on a un des 2 principaux « mercenaires vagabonds » que l’on traînera tout au long du film qui porte un genre de chapelet avec une croix autour du coup, on a là un contraste stupéfiant entre les valeurs véhiculées théoriquement par la religieux et leur application par les fidèles telle que la voit Peckinpah, ce gars en question c’est probablement un des mercenaires les plus fourbes que compte Thornton dans sa bande, un sur lesquels il peut le moins compter, à peine le reste de la horde partie, ce mercenaire là et son acolyte ont vite fait de s’entendre après dispute pour le partage des « détroussages » de leurs victimes ! C’est un personnage mesquin, sanguinaire, appâté par le gain, la « métaphore imagée » finale, basée sur les vautours et se situant après la bataille d’’Agua Verde montre bien ce caractère de charognard de ce personnage. C’est lui-même qui applique tout le contraire des dogmes cléricaux, il représente tous les péchés ou presque alors qu’il adhère à la chrétienté. Voilà tout le paradoxe que souligne Peckinpah dans La horde sauvage, la différence entre les idées Chrétiennes et leur application chez les adhérents, force et de constater que Peckinpah ne croit pas au bon chrétien et que même ça l’irrite au point de le porter ainsi en dérision … pour preuve : même le petit fils de Sykes reprend en cœur les cantiques avant de descendre ses otages froidement.
" Leboeuf j'te conseille de pas te trouver sur ma route ou tu t'rendras compte que j'suis pas encore fini et que j'ai encore une bonne dose de dynamite dans les poings !"
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