Ben à peine une page, et déjà, ça dérape...
Sans vouloir transformer le sujet en un débat sur les talents d'actrice de Marilyn (encore que ça fait partie du film), j'avoue moi aussi ne pas être transcendé ou ébloui par son jeu. Son statut d’icône est indiscutable, mais ce n'est pas parce que c'était une star que ça en faisait une bonne actrice. Je vais être sévère (et vais en rendre certain vénères), mais elle n'avais un registre dans lequel elle me convainc, la tendre nunuche. C'est pourquoi elle est excellent dans
Chérie, je me sens rajeunir ou
Certains l'aiment chaud. Et finalement, qu'a-t-elle vraiment joué d'autre ? La jolie naïve est un registre qui ne se joue qu'un temps, l'âge avançant rendant la crédibilité de l'actrice de moins en moins convaincante. Plus proche de nous, une actrice comme Meg Ryan, qui n'a guère évolué elle aussi que dans un seul registre, a finit par ne plus intéresser.
Et j'oserai un parallèle avec Brigitte Bardot parce que pour moi, les deux femmes, magnifiques au demeurant, ont pour moi des similitudes à l'écran. BB, c'était plutôt la moue boudeuse. Sortie de cela, elle ne m'a vraiment convaincu que dirigée par un réalisateur à poigne comme Henri-Georges Clouzot (
La Vérité), Claude Autant-Lara (
En cas de malheur) ou Louis Malle (
Vie privée). Sinon, chez les autres, de Vadim à Boisrond, en passant par Christian-Jaque, Clair, Molinaro ou Deville, le registre était là encore toujours le même. Pire, confrontée à d'autres actrices, dans des machins comme
Les Pétroleuses, face à Claudia Cardinale ou
Viva María ! face à Jeanne Moreau (et là Louis Malle n'a pu rien faire), elle ne faisait pas le poids tellement le contraste était rude. Sa palette de jeu, elle aussi, devait ridicule l'âge avançant (elle l'a déclaré d'ailleurs elle-même à propos de son dernier film). Mais je n'ai pas l'impression que ça minait Bardot dans le sens où elle ne tenta pas de changer de registre, préférant carrément arrêter sa carrière à 39 ans.
Par contre, Il me semble que Marylin, elle, était plutôt minée par l'évolution de sa carrière, et même déprimée par celle-ci, malgré ses succès dans les années 1950. Pourtant, je la préfère à l'écran à notre BB, car elle avait tout de même un jeu supérieur à cette dernière (encore une fois, ça n'engage que moi), et le virage qu'elle amorça à la fin des années 1950 semblait la mettre sur la voie de rôles plis consistants et dramatiques, car elle sentait bien qu'approchant la quarantaine, il lui fallait démontrer plus de maturité dans ces choix de rôles. Hélas, sa mort prématurée et mystérieuse nous aura privé de la voir l'évolution de sa carrière.
Je n'ai pas encore revu
Rivière sans retour pour en parler précisément. Mon souvenir est surtout celui d'un film de commande, véhicule à la gloire de Marilyn qui y pousse plusieurs fois la chansonnette, divertissant, mais loin des ambitions habituelles (et futures) de Preminger, même si formellement, c'est très flatteur à l’œil, les plans étant généralement de toute beauté (hormis ces incrustations sur le radeau, mais bon, c'était la technique de l'époque qui imposait ça). Je crois que le réalisateur n'a que faire du western, il s'en fiche en fait, et c'est d'ailleurs, comme l'ont déjà précisé certains, son unique incursion dans le genre, aussi il travaille ses plans avec l'envie de relever un challenge technique (tournage en décors naturels et en CinemaScope, procédé alors nouveau), et y injecte une sensualité que peu de westerns ont malgré les beautés qui y jouent régulièrement. Et, pour contredire ce que j'ai dit plus haut, Marilyn est très bien dans ce film, peut-être à cause de la pression de Preminger peu satisfait du jeu de l'actrice : il est de notoriété à propos de ce film que le réalisateur lança cette vacherie : "Diriger Marilyn, c’est comme diriger Lassie, il faut faire quatorze prises pour obtenir l’aboiement adéquat ! "...
(Je sens que je ne vais pas me faire que des amis...
)