
4.22- Harvest of Strangers
Réalisation : Paul Stanley
Scénario : Leon Tokatyan
Guest Star : John Anderson
Première diffusion 16/02/1966 aux USA
DVD : VOSTF
Note : 9/10
Le Pitch : Ryker doit quitter Medicine Bow quelques jours ; comme par hasard c’est le moment choisi par un groupe de canadiens français et d’indiens Crees dirigé par Chilton (John Anderson) pour s’installer un certain temps en ville. Les habitants voyant l’arrivée de ces étrangers d’un mauvais œil et la paranoïa s’emparant de la bourgade malgré la promesse de ces ‘métis’ de ne pas avoir l’intention de provoquer de troubles, la tension va monter jusqu’à provoquer violence et tragédies. Morgan Starr, le nouveau patron de Shiloh, ainsi que son régisseur le Virginien, vont tenter de faire de la médiation… sans grands résultats.
Mon avis : Après un deuxième tiers de saison mi-figue mi-raisin voici que la série nous offre l’un de ses plus grands épisodes, voire même le plus grand ; en tout cas le plus étonnant et le plus sombre depuis ses débuts. Nous en profiterons pour ceux qui voudraient découvrir la série par balayer à nouveau ce qu’elle a produit jusqu'ici de meilleur en en citant les sommets : Throw a Long Rope de Ted Post, Impasse de Maurice Geraghty ou The Judgment de Earl Bellamy dans la saison 1 ; It Takes a Big Man de Bernard McEveety, Siege de Don McDougall ou Another's Footsteps de R.G. Springsteen dans la saison 2 ; puis plus récemment Show me a Hero de Leon Benson ; mais Harvest of Strangers leur damne encore le pion, tout du moins pour ma part car sur imdb il est l’un des épisodes les plus mal noté ; à croire que l’ambition, le progressisme et le culot ne paient pas auprès des admirateurs de la série, et c’est bien dommage ! Mais qui sont ces métis comme se nomment eux-mêmes les membres du groupe qui arrive ce jour à Medicine Bow et qui semble terroriser tous les habitants qui ne veulent pas que la tranquillité de leur bourgade vole en éclats faute à des étrangers. Il faut dire que douze personnes puissamment armées qui viennent s’installer quelques jours en ville sans dire dans quel but avaient de quoi inquiéter les citoyens ; de là à susciter une telle paranoïa qui va virer à la folie furieuse, il n’y avait qu’un pas. Pour information, que ceux qui ne veulent pas se gâcher d’éventuelles surprises évitent de lire cet avis dans lequel je me suis senti obligé de spoiler tout du moins dans le dernier paragraphe !
Pour en revenir aux métis de ce récit, un tout petit peu d'histoire pour en apprendre davantage : ce sont des canadiens au sang mêlé français et indiens Crees qui vivaient sur la baie d’Hudson depuis longtemps mais qui dès 1867 se font fait déposséder de leurs terres par la confédération canadienne du gouverneur William McDougall, ce dernier devant alors faire face à une rébellion légitime due à l'opposition des colons encore majoritairement francophones qui n’avaient pas été consultés quant à l’annexion de ce qui deviendra la province de Manitoba, étant depuis ce jour considérés "plus mal que des chiens". Les Métis, sous la conduite de Riel, s’organisent pour reconquérir leurs territoires, les terres qui leur ont été confisquées ainsi que leurs droits. C’est ainsi qu'un petit groupe de ce 'peuple' arrive à Medicine Bow pour y recevoir une somme conséquente destinée à combattre ceux qui les ont spolié de leurs biens et accueillir celui qui a été désigné comme leur chef. Sauf qu'ils ne veulent pas ébruiter le but de leur visite, les espions canadiens étant déjà à leur recherche. Ces métis sont bruyants et remuants, parlent forts et boivent beaucoup mais, comme ils l’affirment haut et fort, ils ne sont pas là pour semer le désordre. La méfiance de la plupart des habitants pour des étrangers - qui plus est à moitié indiens - n’est pas ébranlée par leurs paroles qui se veulent pourtant rassurantes et ils vont trouver toutes les excuses pour les faire partir quitte à en passer par la violence. Le leader des citoyens excédés est interprété avec grand talent par Val Avery et son visage grêlé, comédien que l’on a souvent croisé dans le western, notamment dans le superbe Dernier train de Gun Hill de John Sturges ; celle par qui le drame va arriver est campée par une Barbara Turner qui aura parfaitement réussi à se faire haïr.
L’épisode va ainsi questionner le puritanisme, la xénophobie et le racisme qui régnaient à l’époque ; une femme va attiser le feu, faisant croire à son entourage avoir failli être violée : une femme mystérieuse qui ne semble pas très nette dans sa tête, une sorte de nymphomane sexuellement frustrée, attisant d’abord les hommes qu’elle croise avant de se refuser au dernier moment. Le comportement un peu exubérant de ces canadiens qui aiment faire la fête va vite les cataloguer et plus personne ne fera attention aux efforts de modération et de médiation du nouveau patron de Shiloh, Morgan Starr. Alors que nous avions été échaudés par son caractère lors du précédent épisode, espérant presque qu’il ne reste pas longtemps à son poste tellement il s’était avéré être bien moins humain que Garth - Harvest of Strangers revient d’ailleurs sur ce fait en tout début, ses hommes ne l’appréciant guère faute à sa façon dictatoriale de diriger le ranch : "la discipline passe avant tout" - il se montre ici sous un tout autre angle, notamment à propos des étrangers, outré à son tour par le comportement de ses concitoyens, prenant fait et cause pour les métis avant même de s’apercevoir que leur chef était un grand ami à lui : "Je sens fort bien que je ne fais pas encore partie de cette ville, mais après ce que j’ai entendu je n’ai pas envie d’en faire partie". C’est le seul avec le Virginien et une prostituée (superbe Jan Shepard, l’institutrice de l’épisode The Brothers) qui vient prendre la défense de ces nouveaux venus et qui n’en démordra pas jusqu’à la fin quitte à se retrouver presque seul contre tous. Et du coup, nous nous désolons de savoir qu’il ne fera pas de vieux os au sein de la série, beaucoup plus attachant et émouvant que lors de l'épisode précédent où nous faisions alors seulement sa connaissance.
Une fiction d’une profonde noirceur et d’une grande dignité, une tragédie pleine de bruit de de fureur, certains protagonistes se voyant même - certes accidentellement - obligés de tuer leur meilleur ami : nous n’oublierons pas de sitôt la mort de John Anderson – comédien une troisième fabuleux au sein de la série, nous délivrant ici un magnifique message de fraternité et de tolérance – ainsi que les larmes de détresse et de chagrin de John Dehner et Jan Shepard alors que retentit un poignant chant funéraire indien sur la petite ville dont la rue principale a été vidée de ses habitants, ces derniers s’étant tous rendus à un autre endroit pour brûler vif les étrangers aux abois. Ici Paul Stanley (le même homme qui avait précédemment mis en scène le plaisant Nobility of Kings avec Charles Bronson en Guest Star ainsi que le très attachant épisode sur le handicap mental, The Inchworm's got no Wings at all) signe une splendide mise en scène, l’utilisation des gros plans amenant des séquences d’une force peu commune, tout comme ses plans caméra à l’épaule sur les visages de la foule en délire venue assister au ‘spectacle’ de la tuerie des étrangers. Alors que le drame se termine, le Virginien dit à son patron qu’il reste sur place jusqu’à ce que l’incendie ait pris fin sur quoi Morgan Starr lui réplique que les flammes ne seront certainement pas éteintes avant une bonne cinquantaine d’années. Un épisode qui n’a rien à envier aux meilleurs westerns des années 60, sorte de parfait mélange entre une variation sur le Silver Lode d’Allan Dwan (pour montrer l’intolérance, la bêtise, la couardise et la peur irraisonnée de la populace qui font devenir ses membres des monstres sanguinaires) et les meilleurs discours progressistes pro-indiens. A signaler enfin des relations extrêmement émouvantes - et surtout sacrément culottées au sein d’une série familiale des 60's - qui se nouent entre le vieux chef des métis et la Saloon Gal. Aussi puissant, tendu et gonflé qu’émouvant, un remarquable petit chef d’œuvre du genre.
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