Montana (1949) de Ray Enright
WARNERAvec Errol Flynn, Alexis Smith, S. Z. Sakall, Douglas Kennedy, James Brown, Paul Burns…
Scénario : James R. Webb, Borden Chase et Charles O’Neal
Musique : David Buttolph
Photographie : Karl Freund
Une production William Jacobs pour la Warner
Couleur - 76 mnSortie USA : 28 janvier 1950En 1879, le Montana est un État dans lequel le bétail est roi et où la loi se fait encore à coups de revolver, les convoyeurs et les ranchers ayant alors plus d’influence que les hommes de loi. D’ailleurs ce sont Maria Singleton (Alexis Smith) et Rod Ackroyd (Douglas Kennedy), les plus gros éleveurs alentour, qui tiennent les rênes de la région de Fort Humboldt. Des panneaux sont érigés un peu partout pour prévenir que le premier berger qui fera traverser son troupeau de mouton sur les prairies destinées aux bêtes à cornes passera immédiatement de vie à trépas. Morgan Lane (Errol Flynn), un éleveur de moutons d’origine australienne, ne compte pas seulement passer sur ce territoire mais aussi s’y installer. Il souhaite prouver que, comme il l’a vu au Mexique, bovins et ovidés peuvent vivre en bon voisinage. Pour se faire, se faisant passer pour l’associé du colporteur Papa Schultz (S.Z. Sakall), il va commencer par user de ruse auprès de Maria qui, ayant été éblouie par sa facilité à monter un cheval sauvage, tombe immédiatement sous son charme. Sans savoir qu’il est propriétaire d’un troupeau des fameux animaux abhorrés, elle lui loue une partie de ses terres. Au moment même de la signature du contrat, il est démasqué et roué de coups pour avoir trompé son monde. La lutte entre gros éleveurs de bétail et bergers s’engage de plus belle ; les morts commencent à s’amonceler...

Montana a beau être un très mauvais film (n’attendons pas inutilement des dizaines de ligne avant de l’affirmer), il aura au moins eu le mérite d’aborder pour la première fois en 75 petites minutes (une bénédiction que cette courte durée) le thème des conflits entre éleveurs de bétail et éleveurs de moutons. Par la suite, peu de westerns reviendront sur ces rivalités alors que celles entre ranchers et fermiers ont été et seront encore légions. Batailles rangées pour l’accaparement de terres ou à cause de la haine envers toutes sortes de clôtures venant morceler les ‘Open Range’ mais jamais encore à cause de ces paisibles petites bêtes à laine. Bizarrement, la présence de moutons dans un western ne donnera pratiquement naissance qu’à des films à tendance humoristique, George Sherman mettant en scène le meilleur d’entre eux huit ans plus tard avec le bien nommé
The Sheepman, le rôle titre étant tenu par Glenn Ford. Mais s’il ne fallait se rappeler que d’une seule fiction à propos de cet antagonisme historique, ce serait
Drag-a-long Droopy, un dessin animé hilarant de Tex Avery datant de 1954.

Au Far-West en ce dernier quart du 19ème siècle, du Texas au Sud jusqu’au Montana tout au Nord, les Cattlemen et les Sheepmen se considéraient comme des ennemis mortels. Les premiers regardaient avec mépris les seconds suivre leurs bêtes à pied au lieu de chevaucher, ne supportaient pas l’odeur des moutons et pensaient que ces derniers allaient détruire les prairies ne laissant rien à brouter aux autres animaux d’élevage. Ils se mirent à massacrer les troupeaux par tous les moyens : Stampede, empoisonnements, tueries... De nombreux bergers perdirent la vie dans le même temps. Pourtant, parmi les petits éleveurs de bétail, certains pensaient à diversifier leurs cheptels par l’intégration de quelques moutons d’autant que l’idée circulait qu’ils apporteraient une richesse supplémentaire à leur région par l’apport de la laine en sus de la viande. Ces éléments nouveaux à l’intérieur du genre, ce conflit sanglant encore jamais abordé, auraient pu donner un scénario tout du moins intéressant ; mais Borden Chase et ses deux acolytes ont accompli un travail de sagouin. Il aura fallu non moins que le scénariste de
Red River assisté de deux autres confrères pour nous pondre un scénario d’une telle indigence et d’une telle bêtise ! Convention à la pelle, trous béants dans la dramaturgie, rebondissements sans surprises et ridicule des situations, rien ne permet à ce script pitoyable de relever la tête, pas même l’écriture des protagonistes et des relations qu’ils entretiennent entre eux.

Du coup, les acteurs se révèlent aussi transparents que leurs personnages, certains même se transformant en fantôme tel celui du colporteur joué par S.Z. Sakall qui disparait de l’histoire sans prévenir et sans qu’on ne le revoie jamais. Ce n’est pas qu’il nous manque puisque l’acteur nous refait son sempiternel numéro de bouffon (il est parfois très drôle notamment dans les comédies musicales mais parfois bien pénible) mais cet évanouissement prouve le manque de sérieux des auteurs. A la fin du film, on ne se souvient (hormis peut-être le vieux Tecumseh joué par Paul E. Burns) d’aucun seconds rôles pas même des Bad Guys qui sont d’une rare fadeur. Quant à Errol Flynn, si on le sent parfois gêné aux entournures de devoir débiter de telles âneries, il semble le reste du temps s’en fiche royalement, absolument pas concerné par le film, paraissant s’y ennuyer à mourir au point de ne même pas essayer de sauver ce qui aurait pu l’être. Sa prestance et son charme font cependant et heureusement toujours mouche. Pas mieux concernant sa partenaire Alexis Smith avec qui pourtant il formait un beau couple dans Gentleman Jim de Raoul Walsh ou même dans l’agréable
San Antonio de David Butler. Mal maquillée, son budget fond de teint a du grever les moyens alloués au film.
Budget qui, au vu des vilaines transparences usées jusqu’à plus soif, semble minime alors que Ray Enright et la Warner avaient probablement dans l’idée de nous redonner un western de prestige tel
Les Conquérants (
Dodge City) ou
San Antonio. Étonnant et paradoxal d’ailleurs de constater une nouvelle fois que ce sont les studios les plus modestes (Columbia et Universal) qui évitent d’utiliser stock-shots et transparences alors que les plus prestigieux de l’époque (Warner et MGM) ne s’en privent pas. Le peu de talent que possédait le modeste Ray Enright (à son actif, il a quand même signé les sympathiques
Les Ecumeurs et
Coroner Creek) semble fondre comme neige au soleil et il n’en reste pas une miette ici. Walsh aurait d’ailleurs réalisé quelques scènes mais on se demande bien lesquelles tellement tout s’avère médiocre ; aucun rythme, aucune hardiesse, aucune idée de mise en scène, aucune originalité, seuls surnagent quelques beaux plans notamment sur le visage d’Errol Flynn et un beau travail de Karl Freund à la photographie, le Technicolor s’avérant magnifique, le costume bleu porté par la star et les yeux verts de sa partenaire en bénéficiant avec éclat.
Bref, même si l’on ne peut pas dire s’y ennuyer, on ne peut que constater le gâchis. Heureusement, il reste un magnifique Technicolor et des séquences musicales certes totalement incongrues mais permettant d’oublier la nullité du reste, notamment ‘
Old Dan Tucker’ entonnée par un quatuor de cow-boys et surtout un duo entre Errol Flynn et Alexis Smith, ‘
Reckon I'm In Love’. Vous n’aurez pas beaucoup d’autres occasions d’entendre chanter le bel Errol ni de le voir gratter les cordes d’une guitare même s’il n’essaie pas de cacher qu’il fait semblant ! A consommer avec modération par les afficionados mais formellement interdit à ceux qui souhaiteraient à l'occasion découvrir le genre !