Messagepar gilson » 22 nov. 2011 22:27
« Ils m’indiffèrent », d’abord, puis « Vous vous intéressez donc à eux ? » du colonel. L’ »apprentissage » du film tient en ces deux répliques*. C’est par ce mouvement créé, le mouvement créé, que le film nous entraîne. Du dehors jusqu’à l’intérieur, puis, autre mouvement, de l’intérieur au rejet : d’abord cible potentielle, Josh entre dans le cercle intime de Little Dog, puis en est chassé et par la rupture d’Appearing Day avec sa famille et par l’attitude de Little Dog confronté au traité. Puis du rejet vers la « résolution » par excellence, le mariage.
Notez que cela nous fait un gentil petit conflit de générations à la sauce Cheyenne, quelque chose comme mon MOLIERE chez les Indiens. Non : pas plaisanter avec ce film que j’ai énormément aimé, avant tout pour sa sobriété et son originalité, à la fois. Si, quand même, mais avec les Indiens : dans « Ulzana’s Raid », Mc Intosh parle d’humour apache ; je comprends mieux, tout le monde comprend mieux l’humour cheyenne. Cette dimension me paraît essentielle, sans en avoir l’air : tout commence par un jeu, continue par un jeu, se termine par un jeu : frontière du cours d’eau au début, jeu du peigne ou du chapeau ensuite, du cheval volé/donné, du seul contre tous à la fin. On joue aux couteaux, aussi. Si vous parvenez à jouer avec votre ennemi, il cesse d’être tel ; si vous comprenez comment il joue, vous entrez dans son monde. Même du côté d’Appearing Day, il y a quelque chose de cet ordre : elle a appris à embrasser lors d’échanges de cadeaux entre enfants des deux bords.
Je ne veux pas être trop long. Sobriété ? Les personnages principaux (colonel, Josh) ont ce trait en commun. Et le film évite l’écueil du spectaculaire, en permanence. Une des plus belles scènes, à cet égard, est peut-être celle de la signature, lorsque le vieux chef refuse que Josh traduise le traité, scène dans laquelle on comprend que sa foi en les promesses des Blancs est proche de la tête à Toto. Le service funèbre de Josh pour Little Dog est à cette image : long, digne et retenu. Originalité ? Rester sur cette frontière entre dehors et dedans, nous faire rester, nous, spectateurs sur cette ligne (et une grande partie de la tension du film tient à cette mise en évidence de frontières : ne pas craquer lors de la guerre de nerfs (jeu du chapeau), gagner un ami à une position dont on convient soi-même qu’elle saurait difficilement être acceptée par lui, signature la mort dans l’âme, envie de la tribu de suivre les deux révoltés**). Oui, frontières, et même frontière vivantes : rien ne le montre mieux que le plan, presque à la fin, des deux courants allant dans deux directions opposées (soldats et Indiens), dont on sent bien que tout les sépare, avant la double pirouette finale : le couple et la sortie de West Point du fiston. Deux hirondelles ont fait ce printemps-là. Et en plus, c’est vrai !!
*A propos de répliques, Little Dog a une des meilleures que j’aie entendues dans un western : »Words have too many shadows. ».
**très beau flou, d’ailleurs : on ne sait pas si c’est une envie d’en découdre ou si ce sont des sortes d’accompagnements pour ce que tous ressentent comme un geste à la fois nécessaire et absurde, un combat pour l’honneur auquel chacun ne peut que souscrire.
"Words have too many shadows." (Little Dog, dans "La Plume Blanche"). Et j'ajoute: "Na!"