Jane got a gun - 2015 - Gavin O'Connor

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lafayette
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par lafayette »

Je n'ai pas trouvé de pauvreté dans les dialogues dans la mesure où l'on est dans un ouest peu peuplé avec des taiseux dans un monde désertique. Ce qui est plus réaliste que le volubilisme tarentinien certes jouissif mais disproportionné des 8S. Ici je trouve qu'on est dans la bonne mesure.
La manière de filmer m'a plu dans les cadrages des personnages dans le paysage ou dans des scènes comme le magasin d'où on voit l'héroïne se faire attraper par derrière par un bandit qui est d'ailleurs une des surprises que le film recèle.
Il y a du filmage à l'épaule en arrière des personnages qui se mélangent avec des cadrages plus classiques.
Les flashbacks ont l'utilité d'éviter un film trop long sur un sujet ne méritant pas l'étendue de la Porte du Paradis et de changer d'air par rapport au huit clos. Ils répondent aussi aux questions qu'on se pose naturellement sur le pourquoi de la situation.
Bref vu les vicissitudes de naissance du film je trouve pas mal le résultat.
Peut être que le point faible est Edgerton que j'apprécie, qui joue bien, mais qui a moins d'impact visuel que le blessé Emmerich et le méchant Mc Greggor qui captivent plus naturellement la caméra, alors qu'Edgerton joue le rôle masculin principal.
Comme le film avait besoin de lumière, nos héros enfermés dans la cabane sous le feu de l'ennemi ne tirent pas dans la lampe qui éclaire la pièce pour les agresseurs. C'est peut être plus un problème technique que de mise en scène.
Ca me rappelle un film ancien où une église est attaquée par des indiens qui sautent des fenêtres sur des assiégés se tenant bien au milieu et à la lumière de leurs feux. Ce qui n'est pas futé.
Ce western a le grand mérite d'exister et j'en redemande.


J'ai revu avec un énorme plaisir le film en VOst dans une salle des Halles à moitié remplie.
Cette fois-ci débarrassé des affres de la découverte, après la déconvenue des 8S, et du filtre de la VF, j'ai goûté pleinement au récit tel que magistralement dirigé par Gavin O'Connor qui a joué de la lumière dans les tons jaunes ou bleus de superbe manière en travaillant sur l'intimité des personnages et les détails des armes, des objets et des lieux, par des successions de gros plans, de cadrages moyens ou larges dans un rythme assez uni, en jouant finement sur les flous d'arrière plan ou de premier plan, le tout sur des dialogues souvent en douceur car nul n'est besoin de toujours gueuler à la cantonade pour se faire comprendre et le tout subtilement appuyé d'une excellente bande son et une musique au service des situations et de l'intrigue. Une histoire de chair et de sang sans provocation ni outrances, quelle belle larme coulant de l'oeil de Noah Emmerich jouant le mari mourant. D'ailleurs un moment plus tard, on aura droit, au plus chaud de l'action, à près d'une minute dans le noir, une allumette semble redonner vie, mais non le mari est mort. Magnifique. Tout comme l'enflammement, comme dans une danse, des bocaux remplis de kérosène dont on aura assisté à la fabrication avec de beaux gros plans. Ils vouent aux enfers l'innommable gang de Bishop. Le jeu des tirs au travers des planches du sous-sol ou des parois de la baraque est bien mieux réussi que celui des 8S de Tarentino. Reste cette lampe à pétrole au plafond que rien ne fait éclater.
Cette fois-ci je ne me suis posé aucune question sur les flash-backs, que j'ai trouvés tout à fait bien inscrits à l'appui du temps de l'action du film.
La VO a fait encore plus ressortir une très forte interpêtation de Nathalie Portman, qui se sort les tripes avec force par exemple lorsqu'elle apprend le supposé décès de sa fille ou qu'elle abat par petits bouts le méchant de l'histoire Ewan Mc Gregor, au diapason. En VO, j'ai trouvé meilleure la prestation d'Edgerton.
Les paysages du Nouveau Mexique sont superbement utilisés dans un air de ne pas y toucher avec une action principale intra muros d'une cabane...
Quelques rapides cavalcades du gang suffisent à nous rappeler La Horde Sauvage ou Mon nom est Personne.
Un bref moment nous replonge dans les oiseaux d'Hitchcock, avec un corbeau noir de présages. Mais on profite aussi rapidement du ciel dans une petite évasion en ballon, image plutôt rare en western. Quelques images bucoliques sans insister lourdement. De beaux chevaux et de belles armes.
J'aimerais qu'un spécialiste puisse nous éclairer sur la temporalité de celles-ci ou non.
Attendant la fin du générique pour voir s'il y avait des détails de localisation du film, j'ai noté qu'un des drivers était surnommé "chip"! Seule indication de localisation, New Mexico!
Revoir ce film c'était participer plus profondément à celui-ci.
Cette fois-ci ce sera un futur achat de blu ray comme pour The Salvation. Le western est loin d'être mort. Il me tarde The Revenant maintenant.
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chip
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par chip »

Vu et déçu, les très nombreux flashbacks et le côté mélo, m'ont quelque peu ennuyé, mais en comparaison au Tarantino, je le qualifierais presque de " bon film ".
persepolis
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par persepolis »

pareil que chip.Pas grand chose à retenir de ce western. Le méchant était fade, ce qui n'est pas bon pour un film.
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pak
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Jane got a gun - Gavin O'Connor - 2015

Message par pak »

Jane got a gun
Gavin O'Connor (2015)
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Interprètes principaux :

Natalie Portman (Jane Hammond)
Joel Edgerton (Dan Frost)
Ewan McGregor (John Bishop)
Noah Emmerich (Bill Hammond)
Boyd Holbrook (Vic Owen)
Rodrigo Santoro (Fitchum)
James Burnett (Cunny Charlie)
Sam Quinn (Slow Jeremiah)
Maisie McMaster (Kate)
Alex Manette (Buck)
Piper Sheets (Mary)
Linda Martin (Madame)
Chad Brummett (Theodore Ballard)
Boots Southerland (Le marshall)...
Scénario : Brian Duffield, Anthony Tambakis et Joel Edgerton

Musique de Marcello De Francisci et Lisa Gerrard

Production de Natalie Portman, Katherine S. Chang, Kate Cohen, Terry Dougas, Aleen Keshishian, Scott LaStaiti, Marisa Polvino, Mary Regency Boies, Zack Schiller, Scott Steindorff / 1821 Pictures, Boies - Schiller Film Group, Handsomecharlie Films, Scott Pictures, Straight Up Films, Unanimous Pictures, WeatherVane Productions

Distribué par The Weinstein Company (USA) / Mars Distribution (France)
Sortie USA : 29/01/2016 - Sortie France : 27/01/2016.



Le sujet : Après avoir recueilli son mari criblé de balles, Jane appelle à la rescousse son ancien amant Dan pour défendre son ranch de hors la loi...


Ce que j'en pense :

Jane Got a Gun a failli ne pas voir le jour de par ses tribulations de début de tournage, initialement prévu en mars 2013. Sauf que pour le premier jour de tournage, pas de réalisateur en vue... Ou plutôt pas de réalisatrice... Car Lynne Ramsay, alors récemment auréolée du succès critique de We Need to Talk about Kevin, devait réaliser ce film, mais elle s'est faite porter pâle, officiellement découragée au vu des conditions météorologiques du tournage, officieusement à cause de ses problèmes d’alcool, en réalité vraisemblablement un cumul des deux (une bagarre judiciaire va opposer la cinéaste à la production, mais l'affaire va se régler en privé et à l'amiable). Un départ qui, hélas, survenait quelques jours après celui de Michael Fassbender qui partait pour un projet plus ambitieux, celui de X-Men : Days of Future Past, motivé de plus par des disputes avec la future ex-réalisatrice de ce western (toutefois l'acteur retrouvera l'univers du cowboy dans Slow West de John Maclean, western à la sauce kiwi). Après, c'est l’enchaînement de tuiles. Fassbender devait camper l'ancien amant de Jane. On fait appel à Jude Law pour son remplacement, qui accepte. Mais lui venait essentiellement pour tourner avec Lynne Ramsay. Comme elle s'en va, il quitte aussi le projet. Après un casting rapide, Bradley Cooper est choisi, mais lui aussi se désiste, engagé en parallèle pour le film de David O. Russell, American Bluff, et il ne peut concilier les deux dans son emploi du temps. Pour compliquer le tout, le rôle que devait jouer Fassbender est entre temps octroyé à Joel Edgerton qui lui devait initialement interpréter celui du méchant de service, car Jude Law avait préféré ce personnage. C'est finalement Ewan McGregor qui signe pour ce dernier, permettant ainsi de boucler un casting bien tardivement. Car cette ronde des premiers rôles masculins va coûter, en plus des semaines de retard, une bonne dizaine de millions de dollars sur un budget d'abord prévu à 25... Et en parallèle, la production doit déplorer la démission du célèbre opérateur Darius Khondji, se voulant solidaire de Lynne Ramsay. Une série de déboires dont ce projet se serait bien passé, puisqu'à la base, le scénario original de Brian Duffield traînait depuis 2011 dans les tiroirs des producteurs d'Hollywood, l'auteur voulant un western féministe, ce qui a dû fortement motiver Natalie Portman qui a porté le film de bout en bout malgré ses aléas. Mais, on le verra, les ambitions premières du script ont nettement été revues à la baisse après de nombreuses retouches et réécritures. Et comme si ça ne suffisait pas, la sortie américaine, d'abord annoncée pour le 29 août 2014, délai impossible à tenir, est reportée en février 2015, puis en septembre. La raison de ces reports est la faillite de Relativity Media qui devait distribuer le film. La société cherche à revendre ses films prêts à l'exploitation, dont Jane Got a Gun qui voit ainsi sa sortie une nouvelle fois repoussée. Les frères Weinstein, coproducteurs, le récupèrent et sa sortie est fixée au 29 janvier 2016 aux États-Unis, en dehors de la haute saison. Et l'actualité a failli donner définitivement le statut de film maudit à ce long-métrage puisque les attentats du 13 novembre 2015 vont repousser sa sortie en salles en France (devant sortir le 25 novembre, il sort chez nous le 27 janvier 2016). Il n'en aurait pas fallu tellement plus pour voir ce film atterrir directement en DVD/Blu-ray...

Mais revenons au film. La réalisation échoit à Gavin O'Connor (la décision s'est prise très rapidement, moins de deux jours après le désistement de Ramsay), sortant du remarqué Warrior, film montrant deux frères s'affronter sur un ring, avec un fond social et familial dramatique, mais qui hélas n'a ramené du box-office américain que la moitié de son budget. Si l'on considère aussi son film précédent, Le Prix de la loyauté (Pride and Glory), mêlant saga familiale policière, corruption et film noir, le choix d'O'Connor semblait approprié, du moins pour sa capacité à injecter du drame dans des genres codifiés (film de boxe et film policier).

Donc à la base, l'idée était d'offrir un western « féministe ». Une idée pas si originale, car depuis le (relatif) sursaut du western des années 1990, il y a une récurrence évidente à vouloir féminiser le genre. Rien de péjoratif dans le verbe féminiser, puisqu'on évoque par là une intrigue centrée sur un personnage féminin fort ou essentiel. Malheureusement, cette variation, répondant à une tendance à vouloir moderniser à tout prix, quitte à tourner n'importe quoi, a rarement donné des réussites. Danse avec les loups et Impitoyable avaient, au début des années 1990, relancé momentanément l'intérêt des spectateurs (et donc des producteurs) pour le western. Mais le genre, reposant essentiellement sur un ou plusieurs héros masculins dans un univers violent, n'offrant que peu de place aux femmes, souvent victimes, amoureuses, et même accessoires, ne pouvait pas perdurer ainsi dans une société occidentale de plus en plus versée dans le politiquement correct et la discrimination positive. Ainsi, dans les divers projets westerns des années post-1990, on a vu très tôt des tentatives d'imposer une vision plus féministe au film de cowboys. Cela a donné des films variés, souvent des choses improbables, comme : le cucul Horizons lointains (Far and Away) de Ron Howard (1992), écrin pour le couple vedette et coqueluche alors d'Hollywood, à savoir Tom Cruise et Nicole Kidman ; le crétin Belles de l'Ouest (Bad Girls) de Jonathan Kaplan (1994), qui va trouver un écho encore plus crétin une dizaine d'années plus tard avec Gang of Roses de Jean-Claude La Marre (2003), puis encore une dizaine d'années après, avec Bandidas de Joachim Rønning et Espen Sandberg (2006) ; le sympa mais anecdotique Maverick de Richard Donner (1994) dans lequel on insert un personnage féminin joliment campé par Jodie Foster qui n'existait pas dans la série originelle adaptée ; le curieux Mort ou vif (The Quick and the Dead) de Sam Raimi, bon film mais plutôt un exercice de style reposant essentiellement sur une idée principale, le duel au pistolet ; le raté Painted Angels de Jon Sanders (1998), osant aborder la vie dans un bordel de l'Ouest ; la nouvelle résurgence du héros masqué dans Le masque de Zorro (The Mask of Zorro) de Martin Campbell (1998), flanqué d'une Catherine Zeta-Jones pas venue pour faire la potiche ; le navrant Wild Wild West de Barry Sonnenfeld (1999), dans lequel on insert une Salma Hayek tout en décolleté entre nos fameux James West et Artemus Gordon ; le rude mais inabouti Les Disparues (The Missing) de Ron Howard (2003)... En fait, c'est Ed Harris avec Appaloosa en 2008, qui propose le personnage féminin le plus intéressant car ni caricatural ni sortant d'un fantasme de scénariste. Depuis le début des années 2010, la tendance féministe se confirme si l'on en juge d'après le choix westernien proposé depuis : La Dernière piste (Meek's Cutoff) de Kelly Reichardt (2010), le remake True Grit des frères Coen (2010), l'improbable The Warrior's Way de Lee Sngmoo (2010), l'étrange Shérif Jackson (Sweetwater) des frères Miller (2013), Gold de Thomas Arslan (2013), le décevant comique Albert à l'ouest (A Million Ways to Die in the West) de Seth MacFarlane (2014) ou le rugueux The Homesman de Tommy Lee Jones (2014). Même Quentin Tarantino avec Les 8 salopards (The Hateful Eight) inscrit son western dans cette tendance, le personnage de Jennifer Jason Leigh s'avérant au final le plus intéressant, et de loin, même si chez Tarantino, les personnages féminins sont souvent bien écrits.

Bien-sûr, les personnages forts dans le western ne datent pas d'hier, et si l'on remonte à l'âge d'or du genre, les exemples les plus évidents qui viennent à l'esprit sont Johnny Guitar de Nicholas Ray (1954) ou 40 tueurs (Forty Guns) de Samuel Fuller (1957). Mais dans la production actuelle, bien moins abondante, cette tendance est nettement plus visible et évidente, et Jane Got a Gun s'y inscrit clairement. Que l'on joue sur cette corde pour vendre le film était une erreur car ça n'a rien d'inédit malgré la présence de Natalie Portman qui a de fait attiré les projecteurs sur ce projet. Comme on a pu le constater dans la plupart des films cités auparavant, de nombreux personnages féminins sont soit improbables, soit caricaturaux. Écueil qu'évite Jane Got a Gun, qui s'inscrit dans une volonté de réalisme plus que dans une manifestation fantasmée du Far West. Ainsi l'héroïne n'est pas une femme déguisée en cowboy, elle ne dégaine pas plus vite que son ombre, et ce n'est pas non plus une prostituée ou autre fille de saloon. Bref, le titre laissait craindre une variation sur les exploits d'une Calamity Jane revisitée, mais on assiste à la place à la lutte pour la survie d'une femme isolée et pas franchement impressionnante. Et c'est pourtant là que le bas commence à blesser pourtant. Car des intentions féministes initialement revendiquées, il ne reste plus grand chose. On voit bien au déroulement de l'intrigue que Jane ne peut survivre sans aide masculine. Certes, dès le début elle prend son destin en main et ses propres décisions pour se préparer à un affrontement qu'elle ne fuira pas. C'est même un très bon début. Ce mari criblé de balles, plus mort que vif, qui rentre au bercail. Cette épouse qui refuse de l'abandonner et qui, presque de manière fataliste, sait qu'elle a besoin d'aide tout en se préparant à l'affrontement.

Mais dès lors où un ancien fiancé, Dan Frost, qu'elle va chercher, accepte de l'aider, Jane passe une sorte de relais narratif qui fait de ce Dan le personnage principal du film, malgré les tentatives maladroites de détourner l'attention avec une utilisation de flash-backs mal gérée et très convenue aussi. Cet homme, doublement brisé par la guerre et sa déception amoureuse est d'emblée le personnage le plus intéressant et le plus attachant, porté par un Joel Edgerton qui y apporte un mélange de force physique et de tristesse, rappelant sa belle prestation dans le précédent film d'O'Connor, Warrior. Un virage peut-être dû au fait que l'acteur a participé à une énième réécriture du scénario. Mais ce que fait (ou plutôt ne fait pas) de ce passé commun entre Dan et Jane le réalisateur handicape la trame. Mieux aurait valu un pistolero inconnu, un aventurier, un cynique à la recherche d'argent, bref tout sauf ce fiancé puisque cela n'aboutit à rien et gêne le cinéaste aux entournures d'une relation dont il ne sait quoi faire.

Par ce changement de perspective, qu'on ne détecte pas de suite mais qui s'impose à mesure que l'intrigue avance, Gavin O'Connor se simplifie la tâche. C'est le leitmotiv du réalisateur d'ailleurs : forcer la simplicité même si ça affadit le propos ou affaiblit l'impact des images. Et cela dès le début. La fille de Jane va être un poids mort pour la suite ? On s'en débarrasse vite fait chez une voisine. Deux hommes aimant la même femme coincés avec elle dans la même cabane assiégée ? On en cloue un d'entrée au lit, dans l’incapacité de se déplacer et pour bien faire on lui brouille la vue. L'affrontement entre une douzaine de tueurs et deux (et demie, puisque l'un des hommes est alité) personnes va être compliqué à filmer et à rendre crédible ? On ne le filme pas, préférant des tirs à travers des cloisons et un mur de flammes. Deux hommes pour une femme, comment conclure ce dilemme pour la miss qui semblerait satisfaite avec l'un comme l'autre ? Pas de soucis, on va palier à ça aussi très simplement... Puis, se rappelant que le titre comporte Jane et pas Dan, O'Connor tente maladroitement de revenir à son héroïne sur la fin, lors d'un ultime affrontement avec le chef des hors-la-loi, fadement joué (une fois n'est pas coutume) par un Ewan McGregor quelconque, scène dans laquelle Natalie Portman tente de démontrer une froide cruauté pour arracher à son adversaire l'information qu'elle exige à coups de revolvers. Bien trop tard pour nous convaincre.

Mais le problème principal est que le film ne surprend jamais. On a toujours une longueur d'avance sur le réalisateur, et ses flash-backs ne font que confirmer les doutes du spectateur plutôt que d'alimenter un suspense qui n'existe pas quant au passé des protagonistes. Ces retours en arrière, qui sont trop explicatifs, et jamais n'apportent de révélations, font basculer l'histoire dans une dimension inférieure, et ils caviardent trop systématiquement, comme un métronome, une intrigue qui demandait une montée en tension jusqu'au dénouement final. Et il faut bien le reconnaître, on frise plusieurs fois le mélo facile, qui serait à l'eau de rose si la violence ne venait pas régulièrement le teinter de rouge, rappelant, quand même, une période impitoyable et sans pitié.

Le titre du film fait référence à Johnny Got His Gun, Johnny s'en va-t-en guerre en VF, de Dalton Trumbo, sorti en 1971. On se demande pourquoi. On ne retrouve ni de son esprit contestataire, ni de son ironie dans ce western plus conventionnel qu'il ne le voudrait. Et on cherche encore de la personnalité dans celui-ci, alors que le réalisateur avait montré une autre implication dans ses films précédents : on sent bien qu'embarqué en catastrophe sur le projet sans avoir participé à son élaboration (il a écrit les scénarios de ses autres films), O'Connor a du mal à insuffler une cohérence narrative. On passe de la violence brute au mélodrame, du western crépusculaire au classicisme à l'ancienne, avec une conclusion simpliste et forcée qui ne convainc pas du tout tellement elle est superficielle. Quant au morceau de bravoure de la confrontation finale, il est complètement raté et expédié trop rapidement.

Ceci dit, avec les difficultés et les retards rencontrés, et de tournage et de post-production, le film n'est pas aussi raté qu'on aurait pu le craindre. Si on accepte le parti-pris de la construction en aller/retour temporels, alors sa vision s'avère agréable. Déjà parce qu'il n'y a rien de ridicule : pas de tireurs d'élite, pas de sur-homme, pas d'excès numériques (presqu'un exploit de nos jours). Le réalisateur reste à hauteur d'homme, tentant de préserver une certaine crédibilité. Ensuite parce que la photographie est belle et chaude, Mandy Walker apportant par là une certaine douceur féminine en remplaçant au pied levé Darius Khondji qui aurait sûrement eu une démarche plus froide, du moins plus rigoureuse. Côté interprétation, comme déjà dit, Joel Edgerton s'impose aisément, et Noah Emmerich ne s'en sort pas si mal d'un rôle ingrat. Quant à Natalie Portman, elle fait presque tâche trop propre au milieu de la crasse et des sales trognes de ses ennemis, son visage de poupée trop beau et ses frêles épaules la desservent presque malgré elle par rapport au personnage qu'elle est censée incarner, de plus elle semble chercher le ton à employer, entre fatalisme et détermination, on ne sait jamais trop vers quelle direction elle veut emmener son interprétation.

Cet énième western conjugué au féminin est donc un échec de plus, du moins un semi-échec, car il n'atteint pas le degré de stupidité de certains des titres cités en préambule. Mais en comparaison des westerns récemment sortis, il manque quelque chose au film pour marquer, comme un peu de la folie de Shérif Jackson, un poil de l’âpreté d'un film comme The Salvation, un soupçon de l’ambiguïté du personnage féminin principal d'Appaloosa et peut-être une touche du rythme d'un 3h10 pour Yuma. Loin de ses ambitions premières, plombé par une structure alambiquée, décrédibilisé par une fin digne des plus moralisateurs des westerns à l'ancienne, ce néo-western, pourtant plus proche du traitement classique du genre, se laisse malgré tout voir sans déplaisir, peut-être justement à cause de son absence d'aspérités qui évite ainsi au film de choquer malgré une histoire dure, à cause aussi de sa prévisibilité qui installe le spectateur en terrain connu et qui ne se sent pas bousculé. Somme toute une base qui aurait pu être une bonne série B dans les années 1950, un comble pour un film qui se voulait moderne...


Note : 11/20

Film disponible en DVD et en Blu-ray chez TF1 Vidéo (sortie le 7 juin 2016).
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Message par pak »

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Message par Madame S. »

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Message par pak »

pak a écrit :
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En complément, le dossier de presse du film, qui revient notamment sur les difficultés du tournage, et qui tente de vendre longuement le film (ce qui n'est jamais bon signe), s'emmêlant d'ailleurs dans ses références, citant en vrac des films aussi différents les uns des autres que Predator, Impitoyable, Le Patient anglais, Il était une fois dans l'Ouest, Dead Man... Mouais...

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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par lafayette »

The Salvation donnait une présence à une femme muette, mais forte.
Nathalie Portman, au look de femme fragile, s'en sort aussi par une grande volonté et lorsqu'elle est surprise à la sortie de l'épicerie, c'est elle qui surprend en flinguant son agresseur et Jane got a gun et bien. Alors qu'on s'attend à un gunfight entre son sauveur et son agresseur.
Dans l'attaque de la cabane, à laquelle on s'attend mais pas d'entrée à une telle blessure choc du "fiancé", (qui m'a fait croire à sa mort sur le coup), elle se retrouve avec deux blessés et bien que blessée à son tour, son face à face final vengeur avec le bad boy (finement joué) est empreint d'une grande force.
Cela n'aboutit pas à rien quant à l'histoire romantique du "fiancé", puisque loin du lone some cowboy, c'est une famille recomposée à l'image contemporaine qui part avec un mythique wagon.
Je reverrai moult fois ce film et je n'oublierai pas le feu de l'enfer déclenché contre la bande d'attaquants de la cabane qui est autrement bien mis en scène et tourné que l'incendie avec des allers et retours insipides de cavaliers devant l'établissement en flammes de Johnny Guitare. ;)
De tels westerns, j'en redemande. Mais ce n'est que mon avis et je le partage.
:sm57:
Je n'ai pas encore vu Oscar Di Caprio dans le Nord. Je vais y aller sous peu car je suis curieux de voir dans la neige celui qui n'a pas survécu naguère dans l'eau froide. ;)
Super de voir le dossier de presse! Merci! :applaudis_6:
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Bat Lash
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par Bat Lash »

Bien aimé ce western ,qui m'a fait pensé à l'excellent The Salvation .La force du film c'est surtout son casting ,Ewan McGregor étonnant en bad guy (et qui c'est fait la tête de Daniel Day Lewis dans There Will Be Blood) ,Joel Edggerton sobre et efficace ,Natalie Portman toujours parfaite et dont on comprend qu'elle attise tout les désirs (ça fait toujours bizarre de la voir en mère de famille tant elle a toujours l'air d'une adolescente) et surtout Noah Emmerich qui arrive a faire exister son personnage malgré sa passivité forcée et est très émouvant dans les flashback.

Je reprocherais juste que l'assaut final du ranch soit un peu expédié et moté à la "hache" et surtout un
Montrer les spoilers
qui semble vraiment artificiel et sans doute rajouté par la production !
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COWBOY PAT-EL ZORRO
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par COWBOY PAT-EL ZORRO »

EH BAH j'ai eu raison de pas aller le voir !!
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lafayette
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par lafayette »

Ce film passera à Londres le 22 avril.
Plein d'affiches in the Underground!

D'ailleurs beaucoup d'affiches de films déjà passée en France.
Rien sur The Revenant.
Mais Midgnight Special, un film Sf où joue bien Joël Edgerton.

Je ne suis bien sûr pas d'accord sur la mauvaise fin d'un happy end signalé par Bat Lash en spoiler.
Comme je l'ai signalé, une famille recomposée partant vers the West en Wagon, c'est une partie du mythe américain et surtout ça change du sempiternel poor lonesome cowboy.
Chacun sa vision bien sûr. A part la fin nous avions quasiment la même.

Ensuite pour un westerner movisien ne pas aller voir un western pour le peu qu'il y a au ciné de nos jours, comme dirait Gaston Lagaffe "M'enfin!" :sm57:
Pas grave, j'y suis allé plusieurs fois pour compenser. :num10
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Sitting Bull
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par Sitting Bull »

Diffusion sur [Canal + Cinéma] le mardi 6 décembre à 20h50.
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Hannie Caulder
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Re: Jane Got a Gun - 2015 - Gavin O'Connor

Message par Hannie Caulder »

Natalie Portman, une actrice que j'adore, dans un western... j'attendais un minimum de qualité dans ce film. Hélas, il est à peine plus convaincant que le déjà très décevant Shérif Jackson. L'histoire n'est pas innovante pour un sou, les personnages pas assez charismatiques, la mise en scène sans rythme, les dialogues plutôt creux comparés à la finesse de ceux qu'on trouvait dans les vieux westerns américains des années 1950 et 1960. Quant à Natalie Portman, elle n'est pas mauvaise mais on a connu son jeu d'acteur sous de biens meilleurs jours comme dans Star Wars ou encore Black Swan. En plus, le rôle du méchant n'est pas assez exploité. Bref, ce film, peu passionnant, sans souffle, sans émotion et relativement raté me conforte dans mon idée que la période des vrais bons westerns est bel et bien passée. D'ailleurs une question que je me pose : pourquoi faut-il que les westerns d'aujourd'hui soient tout le temps sombres et violents ? Enfin zut quoi, pourquoi tant de pessimisme ? J'espère sincèrement qu'un jour, des cinéastes sauront renouer avec la légèreté et l'optimisme des westerns d'antan. Vous allez me dire que ce ne serait pas réalisme. Mais faut-il croire alors que la réalité n'est que souffrance, violence et noirceur ?
"Quand on tire on raconte pas sa vie"
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