Un an après Courage indien (The Vanishing American), Joseph Kane signait un autre western dominé par un autre personnage fort de femme que l'on peut voir dans la carrière de Barbara Stanwyck -au moins pour sa première partie- comme un précurseur de Quarante tueurs (40 Guns) de Samuel Fuller qui sortira un peu plus d'un an plus tard, un film dans lequel elle partagera à nouveau l'affiche avec Barry Sullivan. Si dans le film de Joe Kane, ce personnage féminin était moins dominateur, c'était déjà une femme de tête et l'éminence grise voir l'égérie d'un groupe d'hommes, ici des célébrités de l'ouest vues à diverses reprises dans le genre : la horde sauvage de Butch Cassidy et le Sundance Kid. Plus de 10 ans plus tard, George Roy Hill en fera deux rebelles bien de leur époque (fin des années 60) mais en ce milieu de la décennie précédente, on les montrait encore comme des bandits sans options : ni Robin des bois, ni rebelles à l'autorité. Dans le film de Kane, ils sont mal fagotés, mal rasés et sales (c'est pas pour dire du mal mais on croirait qu'ils sortent d'un western italien) ; ils volent et tuent et ne sont en rien les sympathiques bandits interprétés par Newman et Redford. De toute façon, ces deux personnages ne sont pas au centre du film. Ce centre, c'est bien Kit Banion même si nous ne voyons pas seulement un personnage féminin peu commun mais plutôt deux dans ce western dans lequel le pouvoir et l'autorité sont exercés par deux femmes fortes -mais de manière différente- ce qui n'était pas si courant dans ces très conservatrices années 50.
D'abord Kit Banion. Elle est issue d'un riche famille de Virginie ruinée par la guerre et, en opportuniste, elle s'est adaptée à cette époque troublée. Elle s'est enrichie dans le commerce de bétail, expédiant vers les grandes villes de l'est des troupeaux entiers et c'est sans doute comme cela qu'elle a été amenée à connaitre la horde sauvage dont elle écoule le bétail volé. Sa façade respectable, c'est le grand hôtel et saloon de Spring Rocks mais c'est toujours elle qui organise en partie les activités de la bande, planifiant les vols de train grâce à ses connections en ville et les vols de bétail selon ses besoins. Elle n'est pas ici à la tête d'un harem d'hommes et elle est moins une figure dominante que chez Fuller car Butch Cassidy (Howard Petrie), le véritable chef de la bande (qu'on voit très peu) se méfie d'elle mais elle reste leur éminence grise et elle est assurée d'avoir de l'influence sur les décisions de la bande via son favori Sundance dont elle commence cependant à se lasser, qu'elle humilie et qui est même assez vite évincé même si lui même ne se doute pas à quel point il l'est. Le contraste entre l'élégante Maverick Queen et son amant pouilleux est d'ailleurs assez amusant. Lorsque Sundance arrive en ville, il se précipite pour voir sa maitresse mais elle le repousse dégoutée : "Pitié ! Vas prendre un bain !" Quand on voit l'allure quasi bestiale de Sundance, sa manière de se bâfrer, ses vêtements de peau, on se dit quel homme ! et on ne comprend pas pourquoi Kit se languit d'un homme, un vrai ! (C'est elle qui le dit) mais c'est que Sundance, c'est surtout une allure mais il ne pèse pas bien lourd face à son rival contre lequel il s'incline très vite à deux reprises, la 1ère fois en ignorant qui se cache derrière un foulard. Jeff se montre donc plus fort et plus habile que lui mais ce qui fait son charme, c'est surtout que derrière l'homme fort se cache un homme raffiné et beau parleur qui séduit assez vite Kit Banion qui est au fond une sentimentale…et évidemment pour ce genre de personnages, ces virages là signifie bien souvent le début des problèmes.
La jeune Lucy Lee (Mary Murphy) a un rôle plus limité mais, si elle est par la suite plutôt la victime des évènements, on la découvre en chef d'entreprise ayant été obligée de succéder très jeune à son père assassiné deux ans plus tôt par la horde sauvage. Elle est manifestement elle aussi tombée sous le charme de Jeff mais ne comprend pas son choix de travailler pour Kit Banion avec laquelle la jeune femme est en affaires. Elle est sans doute troublée par l'ambiguité du personnage…une ambiguité que les scénaristes auraient été bien avisés de conserver aussi chez le public, or ils vendent la mèche beaucoup trop vite. Il a beau se faire appeler tour à tour Young (chez les bons) et Younger (chez les méchants), ce qui soulève quelques interrogations, elles sont très vite levées. Même si on a pas été très attentif aux propos tenus par deux représentants de la loi dans une sorte de préambule, on saisit de toute façon assez vite le manège de Jeff et le but recherché. Il n'en reste pas moins que la suite est très mouvementée. Les très nombreuses péripéties débutent lorsque Kit, déjà éprise de Jeff, l'invite à participer à la prochaine attaque de train de la bande, lui dévoilant par la même son appartenance à la horde sauvage. L'attaque en elle même est assez spectaculaire, tout comme par la suite une spectaculaire poursuite à cheval au bord d'une falaise. Une partie de l'action se déroule dans et autour de la cachette secrète des bandits, un endroit appelé The Hole-in-the-Wall ainsi que dans le ranch de Lucy Lee. Dans cette seconde partie, on remarque plus particulièrement quelques bons seconds rôles : Jamie (Wallace Ford), le cuisinier de Lucy (…et un espion du gang) ; Leo Malone (Emile Meyer) en chef de l'agence de détectives Pinkerton accompagnée par un shérif interprété par Walter Sande…et l'action se complique encore un peu quand un second Jeff Younger arrive en ville (Jim Davis). L'un des assez bons films de Joe Kane que j'ai vu jusque là mais je préfère le plus modeste mais plus original Courage indien (The Vanishing American)
Ces deux films étaient des adaptations de romans de Zane Grey mais il est probable que pour The Maverick Queen, le roman ai été complété par son fils ainé Romer. Au sujet de ce film qui restera le dernier film à "gros" budget tourné par Joseph Kane pour le studio Republic, il déclara : le studio raclait les fonds de tiroir pour obtenir une grosse tête d'affiche et finalement ils m'ont laisser avoir la couleur, le Naturama et Barbara Stanwyck. Ce fut un réel plaisir de travailler avec une grande actrice comme Missy. Elle voulait tout faire et vous deviez la surveiller de près pour l'empêcher de se briser le cou dans des cascades dangereuses. Et de fait, elle a beaucoup aimé un genre auquel elle s'est vraiment consacrée à partir de la quarantaine bien tassée, y revenant régulièrement entre 1947 (Californie terre promise) et 1957 (Quarante tueurs) avant d'enchainer avec les séries Western, notamment La grande vallée. Si Barry Sullivan et Scott Brady ont déjà été meilleurs, Barbara est comme d'habitude remarquable même si elle a eu des rôles plus forts dans le genre. Le procédé Naturama auquel fait allusion Kane était l'équivalent du CinémaScope et c'était le premier film dans ce format large développé par le studio Republic. Vu en VF … et survolé en VO (à cause du recadrage)
Produit et réalisé par Joseph Kane / Production : Herbert J. Yates (Republic Pictures) / Scénario : Kenneth Gamet et DeVallon Scott d'après un roman de Zane Grey / Photographie : Jack A. Marta / Musique : Victor Young
Avec Barbara Stanwyck (Kit Banion), Barry Sullivan (Jeff Younger), Scott Brady (The Sundance Kid), Mary Murphy (Lucy Lee), Wallace Ford (Jamie), Howard Petrie (Butch Cassidy), Jim Davis (Jeff Younger), Emile Meyer (Malone)
Toutes les copies VO (vo pures jusque là) que j'ai connu sont comme ça. La copie figurant sur la vhs du commerce est en revanche au bon format - je pense- mais par contre, en ce qui concerne la qualité de la copie, là c'est classé "chef d'oeuvre en péril". Elle est vraiment vilaine celle là et je m'y connais en copie bien dégueu (fais attention à ce que tu dis. Ne réponds pas : oui, je sais )Tecumseh a écrit :J'avais espéré que la copie de TCM diffusée cette semaine remplacerait ma vieille copie cinéclassic recadrée, il n'en a malheureusement rien été et nous avons eu le droit à la même "ùé:!§@£%µ"
Autant dire que le Naturama de Républic et les magnifiques extérieurs du Colorado ont pris "une cure d'amaigrissement".